Robert-Joseph Pothier (1699-1772), précurseur du Code Civil .

 

Robert-Joseph Pothier est probablement le plus important juriste français du XVIIIe. Héritier de la longue tradition juridique française, il a unifié les sources du droit pour établir un nouveau corpus juridique qui a contribué à l’élaboration du Code civil français de 1804.

Une vie d’étude.

Robert-Joseph Pothier nait à Orléans le 9 janvier 1699. Issu d’une famille de juristes, il fait ses études secondaires au collège jésuite d’Orléans, avant de poursuivre ses études de droit à l’Université d’Orléans où il obtient sa licence en 1718. Il envisage un temps la prêtrise avant d’être nommé en 1720, conseiller au bailliage et siège présidial d’Orléans à 21 ans, s’inscrivant ainsi dans une tradition familial puisque son père et son grand-père avaient occupé les mêmes fonctions. En 1750, avec le soutien du chancelier d’Aguesseau avec qui, il entretient une correspondance suivie, il est nommé par le roi, professeur de droit français à l’Université d’Orléans. Il poursuit alors jusqu’à sa mort survenue en 1772, une double carrière de professeur et de magistrat alliant ainsi la théorie et la pratique.

Orléans, rue Pothier, la salle des thèses, ancienne bibliothèque de l’Université .

Le 27 janvier 1306, l’Université d’Orléans est fondée par le pape Clément V. Philippe le Bel confirme les privilèges et la fondation de l’Université d’Orléans en 1312. Les matières enseignées seront le droit civil et le droit canonique. Elle devient la  quatrième université française après celle de Paris, de Toulouse et de Montpellier. Au Moyen Age, elle est réputée pour son enseignement du droit civil et du droit romain. A Paris, il est interdit d’enseigner le droit romain et seul le droit canonique était au programme. Sous l’ancien régime, l’Université est placée sous le contrôle du pouvoir royal. Sa réputation dans le domaine du droit reste reconnue au XVIe siècle où elle participe au mouvement humaniste. L’Université d’Orléans subit un fort déclin au XVIIIe siècle avant d’être, comme toutes les universités françaises, supprimée par la Convention en 1793. L’Université d’Orléans connaîtra une renaissance tardive par décret du 14 avril 1966.

En 1679, par l’Edit de Saint Germain en Laye, la monarchie réorganise l’enseignement du droit dans les universités. C’est sur le contenu même de l’enseignement que le roi impose sa mainmise. Un enseignement de droit français est créé dans chaque faculté de droit. Désormais, le droit français a droit de cité à l’université au côté du droit romain et du droit canonique. Cet enseignement est confié à des professeurs royaux, qui sont choisis par le chancelier parmi les praticiens. Les qualités certaines de ces professeurs de droit français pendant tout le XVIIIe siècle donnent naissance à des ouvrages qui participent à l’unification du droit privé. Robert-Joseph Pothier en fut un des plus célèbres contributeurs.

Le précurseur du code civil.

Robert-Joseph Pothier s’attache d’abord à l’étude du droit romain, puis à celle du droit français. Il publie à partir de 1748, une réédition des « Pandectes », c’est-à-dire la Digeste de l’empereur Justinien. (Pandectae Justinianeae in novum ordinem Digestae, trois volumes in-folio). Pothier a conservé l’arrangement des titres qui est l’ordre de l’Edit perpétuel sur lequel les jurisconsultes avaient travaillé ; et sous ces titres, il a rangé tous les textes dans un ordre méthodique, non seulement en changeant la place qu’il y occupaient, mais en tirant des autres titres ceux qui y étaient mal placés, et en les reportant dans ceux où ils avaient le plus de rapport. A la tête de chaque titre, on trouve une introduction qui contient un exposé de la matière qui y est traitée, et les textes qui renferment les définitions et les premiers principes.

En 1749, il commente pour ses étudiants la coutume de sa région natale publiée sous le nom de « Coutumes des duché, bailliage et prévôté d’Orléans » puis en comparant les coutumes françaises les unes aux autres, il établit un lien entre le droit écrit des pays de langue d’oc et le droit coutumier des pays de langue d’oil, jetant les bases d’une future législation nationale. Considéré comme le père ou l’un des pères du code civil, Pothier a longuement étudié les théoriciens du droit naturel. Il est l’héritier d’une tradition qui remonte aux juristes français du 16e siècle, le continuateur de Du Moulin par sa volonté de faire progresser l’œuvre d’unification du droit coutumier autour d’une ossature constituée par les coutumes de Paris et d’Orléans. Il est l’un des meilleurs représentants de ce mouvement doctrinal qui entend rapprocher la raison romaine du droit commun coutumier, au sein d’un même système juridique rationnellement ordonné.

Après ces premiers travaux, le droit civil devient le principal objet de ses études.

Il rédige à partir des années 1760 une série de traités sur toutes les matières du droit français. Son œuvre constitue moins une synthèse de deux grands courants : la tradition coutumière française dont il poursuit le travail d’unification en cherchant à dégager de la diversité des coutumes un droit commun, un droit général exposé en principes, et à réduire les particularismes locaux ; un jusnaturalisme d’importation qui le conduit à faire une grande place au droit naturel au sens néo-stoïciens, identifié à un droit romain élagué, épuré et traduit en axiomes servant de point de départ à des raisonnements logiques et déductifs, dont découle une série de corollaires.

Il publie en 1761 le traité des obligations en deux volumes, où il aborde la question de la divisibilité et de l’indivisibilité des obligations. Ce sera la base de tous ces travaux ultérieurs. Le Traité des Obligations annonçait en effet, un travail suivi sur les différents contrats. Dans son traité des obligations, il donne une théorie générale du droit civil, considérée comme une morale autant qu’un ensemble de règles à respecter. En effet, Pothier s’oppose notamment à l’usage de la torture car « la torture interroge et la douleur répond » En condamnant l’arbitraire, il annonce la Révolution française et l’avènement d’un Etat fondé sur le droit naturel.

Ses travaux représentent une véritable synthèse de toute la doctrine privatiste française depuis le 16esiècle avec une liberté de ton, une sûreté de jugement et une modération qui lui font rechercher la solution la plus acceptable selon les règles de la loi et du droit mais aussi celle de l’équité. Son œuvre influencera grandement les rédacteurs du Code civil, ce qui lui vaudra d’être désigné comme le père spirituel de la codification napoléonienne dont les auteurs ont utilisé ses écrits pour la rédaction de près de la moitié des articles et en particulier ceux concernant le contrat.

Dans une page suivante nous vous proposerons une série d’ouvrages de Robert-Joseph Pothier, vous permettant d’apprécier l’étendue de ses recherches et de ses travaux.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*