Paris a connu sept enceintes successives pour protéger ses habitants. L’enceinte gallo-romaine, la première enceinte médiévale, la deuxième enceinte médiévale (celle de Philippe Auguste), la troisième enceinte médiévale (celle de Charles V), l’enceinte de Louis XIII (enceinte des fossés jaunes), le mur des fermiers généraux et les fortifications, plus couramment nommées les fortifs. Cette dernière enceinte ne servit à rien comme le dénonçait sous Louis-Philippe quelques parlementaires et des militaires de renom comme le maréchal Soult. Néanmoins sous l’impulsion de Thiers, les fortifications sont construites de 1841 à 1844. Elles coûteront 140 millions de francs or. Un petit opuscule (voir ci-après) rédigé par un député présente l’intérêt de telles constructions. Les fortifications couvrent près de 8000 hectares, des actuels boulevards des maréchaux à un glacis couvrant l’emplacement actuel du périphérique. Les fortifications seront détruites de 1919 à 1929.
Avant de nous plonger dans quelques livres qui évoquent la construction et la vie autour de la dernière enceinte de Paris, il est intéressant de trouver les traces contemporaines de la longue histoire des murailles édifiées pour défendre Paris.
Les Nautes de Paris dont j’ai déjà parlé ici, éditent des livres de balades pour les promeneurs à la recherche du passé disparu de la Capitale.
Dans un de leurs ouvrages, ils proposent de découvrir les restes des enceintes de Paris dont les parisiens ou les touristes ne soupçonnent pas toujours l’existence. Ce livre doté d’une riche iconographie donne deux possibilités de découverte des traces de ces vieux murs. Ainsi vous pourrez partir à la recherche de ces murailles soit sous forme de rallye pédestre avec des questions correspondant aux vestiges identifiés lors du parcours soit sous forme de balades plus informelles documentées autour de questions/réponses.
Paris d’un mur à l’autre. 120 pages (24 cm x 16 cm). Broché sous couverture à rabats. Edité par les Nautes de Paris, 2014. 19,80 TTC. Pour acheter c’est ici.
Revenons à des éditions plus anciennes et à l’époque des » Fortifications ». Cet espace initialement inconstructible fut rapidement peuplée par une population progressivement éloignée du centre de Paris et qui trouvait refuge dans des baraquements misérables. Les bas-fonds de Paris se déportaient à sa lisière et inquiétaient les autorités.
En 1865, Alfred Delvau raconte l’histoire des barrières de Paris après l’annexion le 1er janvier 1860, de quelques villages voisins. Les limites de la ville sont reculées jusqu’aux fortifications exécutées en vertu de la loi de 1840. La simple énumération de la liste des barrières nous plonge dans un univers dont seuls certains noms, nous sont encore familiers.
Barrière des Amandiers, barrière d’Aunay, barrière de Belleville, barrière de Bercy, barrière Blanche, barrière de la Boyauderie, barrière de la Chapelle, barrière de Charenton, barrière de la Chopinette, barrière de Clichy, barrière du Combat, barrière de Courcelles, barrière Croulebarbe, barrière de la Cunete, barrière des Deux-Moulins, barrière de l’Ecole-Militaire, barrière d’Enfer, barrière de l’Etoile, barrière de Fontainebleau, barrière de Fontarabie, barrière des Fourneaux, barrière Franklin, barrière de la Gare, barrière de Grenelle, barrière d’Iéna, barrière de Longchamp, barrière du Maine, barrière des Martyrs, barrière de Ménilmontant, barrière de Monceau, barrière Montparnasse, barrière de Montreuil, barrière de Montrouge, barrière de la Motte-Piquet, barrière des Paillassons, barrière de Passy, barrière de Picpus, barrière de Pigalle, barrière Poissonnière, barrière de la Rapée, barrière des Rats, barrière de la Réforme, barrière des Réservoirs, barrière de Reuilly, barrière de Riom, barrière Rochechouart, barrière de la Roquette, barrière de la Rotonde, barrière du Roule, barrière Saint-Jacques, barrière de Saint-Mandé, barrière Sainte-Marie, barrière de la Santé, barrière de Sèvres, barrière des Trois-Couronnes, barrière du Trône, barrière de Vaugirard, barrière des Vertus, barrières de la Villette et de Pantin.
Les eaux-fortes d’Emile Thérond fixent un décor disparu depuis longtemps et donnent une image bucolique des lieux qui rapidement vont se couvrir de constructions et se peupler d’une nombreuse population.
Dès 1880, la démolition des fortifications est envisagée. Le terrain appartient à l’Etat.
En 1886, dans deux articles illustrés par Lepère qui paraissent dans la Revue illustrée, J.-K.Huysmans se désole des transformations intervenues. » on éprouve un indéfinissable malaise sur ces longs et larges boulevards qui ont remplacé les rues quiètes et serrées du temps jadis; volontairement on se détourne de ces casernes qui se succèdent le long des trottoirs et dont la vue monotone afflige. Où que l’oeil se pose, le sentiment d’une richesse factice et d’un goût faux s’affirme…. »
Par une loi du 19 avril 1919, l’Etat cède à la ville la majeure partie des terrains des fortifications. L’Etat conserve cinquante-et-un hectares et un certain nombre de bâtiments construits sur l’enceinte. La ville de Paris se réserve un quart des surfaces à vendre pour la construction d’immeuble à bon marché et fera l’usage du surplus comme il lui conviendra. La zone créée par la loi des fortifications (avril 1841) institue sur le pourtour extérieur du rempart, un espace de servitudes militaires large de deux cent cinquante mètres où il est interdit de construire. Les zoniers ont construit et la Ville envisage leur expropriation. En 1930, plus de 120.000 habitants résident sur la zone qui progressivement avait été aménagée, la municipalité fermait les yeux.
Avec l’ouvrage d’André Warnod illustré par S.-H.Moreau, nous pénétrons dans l’univers des fortifications appelées à disparaître dans les années 30. Pour l’époque, les fortifs ce sont les banlieues avec leurs populations poussées aux portes de la ville, aux conditions de vie parfois difficiles et aux organisations sociales particulières. En 1860, l’annexion des villages autour de Paris provoque le départ d’une population populaire aux marges de la ville. Progressivement s’installent des populations pauvres qui survivent dans des habitats de fortune. Autant dire pour les parisiens du centre, un monde à la fois inconnu et proche, les fortifications se trouvent aux portes de Paris.
Ces ‘ » fortifs » sont inégalement bâties et inégalement occupées, parsemées de potagers, de cabanes ou des premiers immeubles de rapport, c’est tout un territoire qui progressivement s’aménage. De ces terrains vagues occupés par des populations précaires ne subsistent que les puces de Saint-Ouen qui eux n’ont pas été délocalisés. Tout le reste a disparu, englouti par la ville tentaculaire. Les constructions d’immeubles, d’entrepôts ou d’usines ont rempli les espaces libres rendant le territoire urbain de plus en plus dense et repoussant plus loin sa population d’origine.
Nous avons déjà présenté dans le blog quelques ouvrages sur le thème des fortifications, Adieu aux fortifs d’André Billy, La Banlieue de Paris de Cendrars et Doisneau, et Outre-Fortifs de Delphi-Fabrice.
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ARAGO (M.). Etudes sur les fortifications de Paris considérées politiquement et militairement. Paris, Pagnerre, 1845. Un volume in-16 (13,5 cm x 9 cm), 125 pp.
Broché (en partie débroché). Petit manque de papier à un coin sans atteinte au texte. Trace de galerie de vers sans atteinte au texte. Rousseurs éparses.
Edition originale.
Intéressant texte sur les fortifications de Paris. Arago député des Pyrénées orientales, soutient le programme de Thiers sur la construction du système d’enceintes et des bastions parisiens.
Frais d’expédition offerts. Pour acheter c’est ici .
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DELVAU (Alfred). Histoire anecdotique des barrières de Paris. Paris, Dentu, 1865. Un volume in-12 (19 cm x 12,5 cm), 301 pp.
10 eaux-fortes tirées sur chine par Alfred Therond.
1/2 basane. Dos lisse décoré, titre et filets dorés, tête dorée. Couvertures conservées. Quelques légères rousseurs éparses.
Vendu.
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HUYSMANS (Joris-Karl). Autour des fortifications. Un volume in-4 (33 cm x 24,5 cm), 13 pp.
15 Compositions et gravures de A.Lepère dont un frontispice.
Couverture cartonnée en partie insolée. Rousseurs.
Il s’agit d’un tiré à part, extrait de la Revue illustrée parue en janvier 1886 dans laquelle Huysmans avait publié 2 articles illustrés de 15 bois de Auguste Lepère.
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WARNOD (André). Les » Fortifs ». Promenades sur les anciennes fortifications et la zone. Paris, Editions de l’Epi, 1927. Un volume in-4 (25,5 cm x 19 cm), non paginé.
40 lithographies de Serge-Henri Moreau.
Un des 245 exemplaires sur Madagascar.
Broché. .
Bel exemplaire.
» Les fortifications étaient condamnées depuis longtemps, mais leur démolition remise d’année en année est à présent chose faite. La ceinture de pierre qui entourait Paris s’est écroulée sous les pics et les pioches pour permettre à la ville de ne faire plus qu’un avec sa banlieue. La zone militaire sur laquelle il était interdit de construire se couvre de maisons et de monuments; du coup l’étrange population qui végétait en cet endroit, chiffronniers, vagabonds, petits propriétaires, zoniers de toutes sortes va disparaître ou bien s’en ira, le diable sait où … ».
L’évocation d’un monde populaire disparu.
Vendu.
Un autre exemplaire de cet ouvrage est désormais disponible ici .
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Je remarque que certaines images figurant sur cette pages viennent de lithographies de Serge-Henri Moreau. Il s’agit de mon grand-père. Il est également l’illustrateur du livre que vous montrez « Les Fortifs ». Il se trouve que je possède un manuscrit relatant des souvenirs et des anecdotes de l’époque où il arpentait la zone avec son chevalet. Il en a rapporté une vingtaine de dessins et eaux fortes pour illustrer ce recueil, et qui sont en ma possession. Il est connu comme étant « le peintre des fortifs ». J’ai entrepris la saisie de ce texte assez humain et parfois savoureux. Si vous avez quelques idées concernant un éditeur susceptible d’être intéressé, merci de me le faire savoir.
Cordialement.
Très intéressant, merci.
Si vous voulez plus d’informations sur l’histoire des fortifications de Thiers jusqu’à la construction du périphérique, voici un site extrêmement bien documenté et une iconographie très riche : http://www.laurentbaziller-graphiste.fr/fortifs
Bonne lecture