Les bâtiments au coeur de Paris ont une longue histoire en particulier ceux du quartier du Marais. Ce territoire de la Rive droite situé hors de l’enceinte de Philippe Auguste au XIIIe siècle rejoint le périmètre parisien avec l’édification de l’enceinte de Charles V au XIVe siècle. A cette époque, seuls quelques couvents et quelques hôtels royaux ou de grands personnages s’installent dans ce nouvel espace à l’abri des murs d’enceinte.
Il faut attendre le XVIe siècle pour que le quartier du Marais progressivement s’urbanise et connaisse ses premières opérations immobilières d’envergure. Rapidement au début du XVIIe siècle, il devient le lieu de résidence de la haute aristocratie avant d’amorcer un long déclin avec le départ de la noblesse vers l’ouest parisien et Versailles. Le développement de l’industrie parisienne au XIXe siècle couvre les jardins et les cours d’hôtels d’entrepôts, les appartements se convertissent en atelier et toute une population industrieuse prend possession de l’espace. Epargné par les grands travaux d’Haussmann, le quartier lentement s’assoupissait.
Au début du XXe siècle, Le Corbusier veut raser tout ce bâti en état médiocre, heureusement le plan Voisin (1922-1925) restera lettre morte. La loi sur les secteurs sauvegardés du 4 août 1962 va protéger le quartier du Marais. Les vieilles pierres deviennent intouchables et bénéficient de réhabilitations d’ampleur.
Nous allons évoquer l’Hôtel de Joyeuse -37-39 rue de Turenne- situé à proximité de la place des Vosges car son histoire concentre toutes les évolutions que connut le quartier du XVIe au XXIe siècle.
Joyeuse, ce nom évoque le duc, le puissant mignon d’Henri III qui au faîte de sa puissance, épouse le 24 septembre 1581, la belle soeur du roi au cours de noces somptueuses dont les réjouissances dureront quinze jours. C’est à cette occasion que Catherine de Médicis fait créer le premier ballet de cour : Circé ou le ballet de la Reine.
Il suffit de se rendre au Louvre pour découvrir le personnage au sommet de son pouvoir. Un peintre anonyme a fidèlement représenté son mariage pour satisfaire le puissant de l’heure qui allait mourir à la bataille de Coutras le 20 octobre 1587, au cours d’un affrontement contre l’armées du futur Henri IV.
Mais ce n’est pas ce Joyeuse là qui laisse son nom à l’immeuble même si probablement il avait accompagné le roi Henri III dans ses folles cavalcades dans le quartier et qu’il croisait à la cour, le médecin Marc Miron propriétaire des premières maisons construites sur cet emplacement. Les terrains sur lequels allaient être édifiés ces nouveaux bâtiments, appartenaient aux religieux de Sainte Catherine du Val des Ecoliers.
L’église Sainte Catherine du Val des Ecoliers avait été fondée en 1229 par Blanche de Castille et le jeune roi Louis IX avec le concours des sergents d’armes qui exécutaient un voeu fait par eux en 1214 avant la bataille de Bouvines. Elle devient jusqu’à la fin du XVIe siècle une nécropole pour les hauts personnages proches de l’entourage royal. Jean Le Laboureur dans son ouvrage Les Tombeaux des personnes illustres, en recense les mausolées les plus importants.
On donne pour desservants à la nouvelle église des religieux de Val des Ecoliers de l’ordre de Saint Augustin établis vers 1201 dans une vallée voisine de Chaumont au diocèse de Langres par quatre professeurs de Paris qui y avaient attiré les étudiants. Le couvent gratifié de nombreux dons depuis son installation parisienne occupe un vaste espace allant approximativement des actuelles rues de Sévigné, Turenne, du Parc Royal, Payenne et d’une partie de la place des Vosges jusqu’à la rue Saint Antoine. Une partie des terrains du prieuré livrée aux jardiniers et aux maraîchers constitue la » Cousture » ou « Culture Sainte Catherine ». Ces champs étaient restés en jardins maraîchers puis on y installe des lices pour les distractions de la cour.
En 1543, le lotissement par François Ier de l’ancien hôtel royal de Saint Pol provoque dans le quartier une nouvelle poussée de constructions. Toussaint de Hocedy, prieur de Sainte Catherine invoquant l’augmentation du nombre de religieux et l’insuffisance de leurs revenus, obtient du roi et des échevins l’autorisation de lotir une partie de la Culture.
Encouragés par le succès des ventes de 1545, les religieux lotissent en 1549, les côtés ouest et nord de leur enclos.
Maurice Dumolin dans son ouvrage : Etudes de Topographie parisienne présente toute la genèse du lotissement de la Culture Sainte-Catherine.
Un quartier neuf composé de maisons magnifiques progressivement s’érige sur les terrains vendus par les religieux. Les terrains lotis en 1545 et 1549 se construisent rapidement car si dans ses Antiquités de 1550, Gilles Corrozet se contente de dire que la Culture » a été baillée à bastir » dans l’édition de 1561 il ajoute » et il y a maintenant de belles rues et de somptueuses maisons ».
Le 11 janvier 1564, il reste une place de 165 toises de forme irrégulière bordant la rue des Egouts derrière les places de Mme de Carnavalet et de M.de Donon, elle est vendue le 19 février 1580 à Marc Miron.
Le médecin Marc Miron, seigneur de l’Ermitage accompagna Henri III en Pologne et sera un proche conseiller du roi jusqu’à son renvoi exigé par les Etats Généraux en 1588. Sa fille Marie épouse Louis Lefèvre de Caumartin qui sera brièvement Garde des sceaux de Louis XIII (1622-1623), la propriété de l’immeuble passe alors dans la famille Caumartin et par alliances, elle y restera jusqu’en 1761. C’est Jean-Armand, marquis de Joyeuse, colonel dans le corps des grenadiers de France qui fait sortir l’immeuble de la lignée Caumartin en le vendant en septembre 1761 à Jacques-François Choulx de Bussy conseiller-secrétaire du roi.
Les maisons de Marc Miron devaient être assez modestes mais on découvre sur le plan de Gomboust publié en 1652 et qui représente l’état de la ville de Paris en 1647, une maison de Monsieur de Caumartin imposant bâtiment ouvrant sur un vaste jardin et en retrait de la rue. La puissance de la famille s’affichait dans ces murs quand le quartier du Marais concentrait la haute noblesse et les beaux esprits de l’époque. Madame Scaron qui allait plus tard rejoindre Versailles, logeait du temps de son premier mariage presque en face.
Plus tard l’hôtel de Caumartin sera remanié et l’on observe sur le plan de Turgot (1739), la nouvelle configuration des bâtiments.
Le Marais amorçait son lent déclin. Les anciens propriétaires désertaient le quartier et étaient remplacés par une population plus modeste. Louis Sébastien Mercier dans son Tableau de Paris soulignait ce changement sociologique.
Les bâtiments restent dans la famille Caumartin et ses alliances successives jusqu’au 7 septembre 1761, date à laquelle, ils sont cédés par Jean-Armand, marquis de Joyeuse à Jacques-François Choulx de Bussy, conseiller-secrétaire du roi. .
Pendant la période révolutionnaire l’immeuble change de mains. Jacques-François Choulx de Bussy et son fils partent en émigration, leurs noms sont portés sur le répertoire de la liste des émigrés du département de la Seine et les dates des arrêtés où ils ont été enregistrés, 7 vendémiaire an 3 ( 23 septembre 1794) pour le père) et 27 pluviose an 2 (15 février 1794) pour le fils.
Une première vente a lieu le 12 fructidor an 3 (29 août 1795), une deuxième le 3 thermidor an 5 (21 juillet 1797). Suite au décès du dernier propriétaire, l’immeuble est vendu par adjudication le 28 floréal an 12 (18 mai 1804) à Monsieur Lepître dont nous découvrirons la vie mouvementée pendant la période révolutionnaire dans la prochaine page du blog.
Avant de poursuivre l’histoire de l’immeuble au cours des siècles, arrêtons-nous sur la fontaine qui orne la façade de l’immeuble, elle fonctionne toujours.
Paris sous l’Ancien Régime a toujours connu un approvisionnement défaillant en eau. Une première fontaine dite de Saint-Louis a été construite vers 1687. L’eau servie venait des pompes Notre-Dame et faisait l’objet d’une concession vendue par la ville. Cette concession a été confirmée à Jacques-François Choux de Bussy pour six lignes d’eau le 7 octobre 1763.
La fontaine Saint-Louis a aujourd’hui disparu mais sur le même emplacement en 1847 a été édifiée la fontaine de Joyeuse.
La fontaine est alimentée par les eaux du canal de l’Ourcq.
L’édifice a été décorée par le sculpteur Isidore-Romain Boitel.
Histoires-de-Paris présente cette fontaine dans une de ses pages : Fontaine de Joyeuse.
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LAUGIER DE PORCHERE (Honorat). Le Camp de la Place Royalle ou Relation de ce qui s’y est passé les cinquiesme, sixiesme, & septiesme jour d’avril, mil six cent douze, pour la publication des Mariages du Roy, & de Madame, avec l’Infante, & le Prince d’Espagne. Paris, chez Jean Micard et Toussaint Du Bray, 1612. Un volume petit in-4 (21,5 cm x 16,5 cm), 372 pp (chiffré par erreur 368 avec une erreur de chiffrage sur quatre pages) et la suite : Le reste des vers faicts pour ces courses comme ils furent donnez au Camp, 31 pp.
Double portrait frontispice de Louis XIII et d’Anne d’Autriche.
Blason de Marie de Médicis.
Aux armes de la famille Caumartin sur les plats.
Plein veau marbré, dos orné, dentelles sur les coupes, tranches dorées. (Reliure fin XVIIe).
Une nouvelle page de blog a été consacrée à une présentation détaillée de cet ouvrage, c’est ici .
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Répertoire de la liste des Emigrés du Département de la Seine. Paris, sd (circa 1795). Un volume in-4 (27 cm x 20,5 cm), 353 pp.
Plein veau marbré. Dentelles dorées sur les plats et les coupes. Dos ornés. Tranches rouges. Une charnière fendue sur 3 cm. Coins usés, manques de peau au second plat et épidermures. Parfait état intérieur.
Rare répertoire sur l’état de l’émigration au sein du département de la Seine.
Pour acheter c’est ici .
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LE ROUX DE LINCY. Notice sur le plan de Paris de Jacques Gomboust publié pour la première fois en 1652 reproduit par la société des bibliophiles françois en 1853 avec le discours sur l’Antiquité, grandeur, richesse, gouvernement de la ville de Paris et une table alphabétique indiquant les rues, les ponts, les portes, les églises, les couvents, les colleges, les palais, les hôtels & maisons remarquables. Paris, Techener, Potier, Aubry, 1858. Un volume in-12 (19 cm x 12,5 cm), iij-LXIV-95 pp.
Reliure à la bradel. Titre et date en caractères gothiques et en couleurs au dos. Couvertures conservées.
Vendu .
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