DORGELES (Roland). Montmartre mon pays.

 

Roland Dorgelès  est un Montmartrois de cœur mais non de naissance. Avant la première guerre mondiale Il fréquente la bohème du lieu. Roland Lécavelé naît en 1885 à Amiens. Il devient journaliste en 1904 et adopte le nom de Dorgelès en 1907. Il écrit pour Messidor en 1908, pour Paris-Journal entre 1908 et 1912, pour Comoedia de 1908 à 1914, pour Fantasio en 1910. Il collabore aussi à L’Homme libre, le journal que dirige Clémenceau et s’essaie au théâtre. Il se mêle à la bohème de Montmartre. Ses amis se nomment Mac Orlan, Carco, Max Jacob, André Salmon, Apollinaire, Picasso, Juan Gris. Il organise la supercherie de Boronali, le soit-disant peintre «  futuriste » qui est en réalité l’âne du Lapin Agile, Aliboron. Il s’engage comme volontaire en août 1914. En 1915, il rejoint l’aviation et deviendra instructeur. En 1917, il entre au Canard enchaîné, où il se lie d’amitié avec Henri Béraud et Paul Vaillant-Couturier. Les Croix de bois, poignant témoignage sur la guerre des tranchées, obtiennent 4 voix au prix Goncourt de 1919 contre 6 pour Proust et à l’Ombre des jeunes filles en fleurs. En 1929, il est élu à l’académie Goncourt dont il deviendra le président en 1954 jusqu’à sa mort en 1973.  Après les livres de guerre, Dorgelès passe à des récits et des romans qui ont pour thème la vie libre et joyeuse de la bohème montmartroise notamment Le Château des brouillards dont un exemplaire entièrement aquarellé fera l’objet d’une présentation détaillée à la rentrée, Montmartre mon pays, que nous vous présentons ci-après et Promenades montmartroises. Il voyage fin 1932 en Indochine puis en 1932 en Afrique du nord et en 1936 en Russie. En octobre 1939, il est correspondant de guerre pour le journal Gringoire. Sa collaboration avec le journal cessera en septembre 1941. Il racontera son expérience dans Retour au front (1940), Carte d’identité (1945) et Bleu Horizon (1949).

Dans Montmartre mon pays, Roland Dorgelès évoque le Montmartre d’avant la première guerre mondiale repère des marginaux et des artistes réfugiés loin du centre de la Capitale et vivant leur bohème à l’écart.

Nous reprenons quelques paragraphes de l’ouvrage de Dorgelès qui campe un décor et des personnages dont seuls les livres gardent le souvenir.

« Ce que je regrette, c’est ta maison, Delaw, où je buvais du lait, assis, jambes pendantes, sur le bord de la fenêtre ; ce sont les vieux arbres du château des Brouillards, sous lesquels on a lézardé ; c’est la salle enfumée où Berthe nous servait la soupe aux choux ; c’est l’atelier de Bruner, dunette sur Paris ; le chalet de Buzon ; la baraque d’Adèle ; ce sont tes chandails de rugby, Mac Orlan. Ce sont vos grands chapeaux de cow-boy, Fernande ; ce sont tes chansons ; Coccinelle ; et c’est vous, surtout mes amis, vous que la mort a couchés, vous que la guerre a fauchés, et vous aussi, qui vivez toujours, mais ressemblez si peu aux rebelles que vous étiez alors ! »

« Nous étions tous-et sans la moindre affectation-anarchistes, aristocrates, anticléricaux, fermement croyants, et principalement antitout, ce qui est, pour le jeune âge, la seule opinion convenable. Nous dédaignions les femmes qui étaient néanmoins notre préoccupation essentielle, et nous méprisions l’argent qui nous le rendait bien. »

« Ceux d’entre nous qui peignaient ne trouvaient, pour acheter leurs toiles, que des amateurs lésineurs ou bien des marchands en plein vent, qui leur offraient dix francs d’un paysage. On les retrouve à présente dans les meilleures galeries : un Utrillo, dans un beau cadre, qui fait cinquante mille à l’Hôtel… »

« Les écrivains devaient intriguer, jouer des coudes, pour parvenir à glisser un sonnet dans des revues insoupçonnées, qu’eux seuls savaient découvrir chez quelque imprimeur famélique. Et si, ayant besoin de manger, ils se hasardaient dans la grande presse, on leur donnait deux sous la ligne pour rédiger les Drames de l’alcool et la Crue de la Seine, ou bien on leur payait vingt francs un conte de deux colonnes, que le rédacteur en chef avait l’air de prendre avec des pincettes. »

« En ce temps-là, il y avait des jardins sur la Butte, de vrais jardins dont les lilas, en mai, débordaient des vieux murs festonnés de joubarde ; il y avait de petites rues abruptes, bossuées de gros pavés, où Tintin, après l’atelier, rejoignait une arpette en jupe courte et gravait leurs deux noms unis sur ces longues palissades où se publiaient les bans des amoureux ; il y avait des bistrots à tonnelles, où l’on jouait le vin blanc au billard à palets, de veilles maisons à tonnelles, où l’on jouait le vin blanc au billard à palets, de vieilles maisons sentant l’évier et si drôlement bâties, entre deux rues de guingois, que, monté au troisième étage , on pouvait sans danger se jeter par le fenêtre de derrière, qui ouvrait juste au rez-de-chaussée ; des fontaines du village, où jacassaient des ménagères en caraco qui débinaient nos muses ; la baraque d’Adèle, dont nos dîners bruyants faisaient trembler les planches ; la place du Tertre, où toute la Butte dansait sous les lampions, au 14 Juillet ; le Maquis et ses châteaux sordides faits de caisses pourries et de tôle rouillée ; la rue de l’Abreuvoir, où tous les peintres dressaient leur chevalet ; tout Montmartre, enfin, Montmartre et son insouciance, ses dèches, ses béguins, ses commérages de petit bourg, ses logements sans eau, ses chicanes littéraires et ses noces pas chers ».

Nous poursuivons nos échanges croisés avec le blog Histoires de Paris, qui évoque aussi Roland Dorgelès .

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DORGELES (Roland). Montmartre mon pays. Paris, Madame Lesage, 1925. Un volume in-12 (16,5 cm x 12,5  cm), 73 pp.

Un des 210 exemplaires numéroté sur papier Madagascar des papeteries Navarre.

Broché sous couverture rempliée.

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DORGELES (Roland). Montmartre mon pays. Paris, Marcelle Lesage, 1928. Un volume in-8 (20,5 cm x 15,5 cm), 87 pp.

Orné d’une aquarelle et de dessins par Zimmermann.

Un des 1950 exemplaires sur Ingres blanc.

Broché.

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DUBEUX (Albert). Roland Dorgelès. Son Oeuvre. Portrait et Autographe. Document pour l’histoire de la Littérature française. Paris; Editions de la Nouvelle Revue Critique, 1939. Un volume in-8 (19 cm x 14 cm), 73 pp.

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