DELVAU (Alfred). A bas le suffrage universel ! & La Conspiration des Poudres.

 

Un modeste portefeuille de percaline orné d’un portrait de Delvau d’après une photographie du célèbre photographe Carjat, contient deux exemplaires rares. Un court pamphlet : A bas le suffrage universel (1850) et le numéro 1 de la Conspiration des poudres, journal fulminant (juin 1848). Le pamphlet est signé par Delvau, l’ours du journal ne porte aucun nom de rédacteur, Delvau reconnaîtra plus tard qu’il l’écrivit. C’est ce qu’affirme René Pincebourde dans sa bibliographie des livres et publications d’Alfred Delvau qu’il a inséré dans la nouvelle édition d’Au bord de la Bièvre (1873). Au bord de la Bièvre sera présenté dans notre blog de vendredi.

En 1848, le pays compte 241000 électeurs pour près de 35,5 millions d’habitants. Une part croissante du corps législatif, notamment les membres de «  l’opposition dynastique », attend un nouvel abaissement du cens et l’introduction de plus de «  capacités » (corps de métier bénéficiant du droit de vote sans condition de cens), ainsi que l’impossibilité pour un fonctionnaire d’accéder à un mandat législatif. L’opposition espère ainsi doubler le nombre de votants, et réduire l’importance de François Guizot, à la  tête du gouvernement depuis 1840 et qui avait encore obtenu une importante majorité aux élections de 1846. En 1847, cette majorité refuse l’abaissement du cens de 200 à 100 francs, conduisant à un inévitable blocage.

Le 25 février 1848 est institué le suffrage universel masculin. Pour découvrir les différents épisodes de cette période révolutionnaire voir notre page de blog d’hier sur La Révolution de Février.

La loi électorale du 31 mai 1850 réduit l’électorat de 30% sans toutefois remettre en cause le principe du suffrage universel, elle s’assure que les électeurs ont résidé trois ans dans leur canton et prend d’autres dispositions qui éliminent dans les faits les plus pauvres et les militants du corps électoral. La loi réduit de 9 6000 000 à 6 8000 000 le nombre des électeurs.

Le suffrage universel est rétabli en décembre 1851.

à bas le suffrage universelLe court et virulent pamphlet de Delvau, A bas le suffrage universel s’ouvre par quelques extraits de journaux vilipendant  le recours à cette forme de suffrage : «  Le suffrage universel est la négation de toute discipline, de même que l’égalité actuelle est la négation de toute hiérarchie…Voilà les tristes conquêtes que nous devons à la Révolution de février. Ces conquêtes, il faut les supprimer ! » (Mémorial Bordelais). «  Le système actuel d’élection n’est qu’un jeu de hasard dont les dés sont pipés au profit des révolutionnaires. L’élection du 10 mars n’est qu’une crevasse qui montre à jour sur quel terrain miné la constitution s’élève « (Messager de la semaine).

010Delvau sentant venir la mise en cause du suffrage universel pour assurer un ordre qui n’était pas le sien, s’en prend à toutes les oppositions qui remettent en cause les libertés et les conquêtes durement acquises depuis février 1848. «  Mais de ces conquêtes de Février dont nous étions fiers, une seule nous reste encore : le suffrage universel !…Celle-là vous gêne plus que les autres ; elle dérange vos projets et vous ne parlez de rien moins que de la supprimer comme vous avez fait des autres ! »…Le suffrage universel est l’arche de salut de la société moderne ! Samsons aveugles et imbéciles, n’y touchez pas, n’y touchez pas, ou vous serez écrasés tous sous ses décombres !… »…Ne criez donc plus, comme le faites chaque jour avec tant d’intempérance : A bas le suffrage universel ! car vous criez votre condamnation ! » Et Delvau cria dans le vide, la loi électorale du 31 mai 1850 réduit de 30% le corps électoral préparant d’une certaine façon la suite des événements et la prise du pouvoir par Napoléon III.

Le titre choisi par Delvau pour sa feuille républicaine est la Conspiration des Poudres. D’après lui «  Les ennemis de la République conspirent en nous jetant toutes sortes de poudres aux yeux ». Le mot poudre est décliné en titre au long des pages : « Ceci n’est pas de la poudre électorale, poudre accusatrice, poudre du chemin, poudre officielle, poudre d’or, poudre étrangère, poudre conjugale, poudre des propriétaires, poudre dramatique, poudre administrative, poudre des électeurs, poudre des savants, poudre de perlimpinpin ». Je me demande toutefois si le titre ne traduisait pas aussi ses aspirations en juin 1848 car il pourrait renvoyer à La conspiration des poudres (Gunpowder plot) anglaise qui fut une tentative d’attentat contre le roi Jacques Ier d’Angleterre et le Parlement anglais par un groupe de catholiques anglais dirigés par sir Robert Catesby. Ces conspirateurs prévoyaient de faire sauter la Chambre des Communes au cours de la cérémonie d’ouverture du Parlement du 5 novembre 1605. Le complot fut éventé.

Delvau qui appartenait à la frange radicale des républicains, rêvait aussi de voir disparaître la Nouvelle Chambre élue le 23 avril 1848 qu’il trouvait trop conservatrice à son goût.

la conspiration des poudres16 nov 21Cette feuille fut lancée en même temps que l’Aimable Faubourien de Poulet-Malassis auquel Delvau contribuait également. Ce premier numéro de la Conspiration des Poudres mentionne deux fois l’Aimable faubourien, une fois à la fin d’une chanson de Charles Trouveur, et à la fin du journal dans un article intitulé Poudre de Perlimpinpin sorte de revue satirique des journaux de l’époque qui indique sa préférence pour « l’esprit de l’Aimable Faubourien, qui interprète les sentiments de la Canaille, laquelle a, quoi qu’on en dise, des sentiments, ma foi : fort honnêtes « . Le journal fulminant appelle aussi en une, à voter Caussidière, Proudhon, Vidal, Pierre Leroux, Cabet, Raspail…L’Aimable faubourien est comme la Conspiration des Poudres le journal des gens honnêtes, vendu par la canaille et acheté par les honnêtes gens…

En lisant ce pamphlet et ce journal, on découvre un jeune homme exalté, aux idées républicaines radicales. Cet engagement de jeunesse qu’il oublia rapidement, transparaît assez peu dans ses autres écrits. Désillusion profonde ou volonté d’oublier les tourbillons révolutionnaires, il est difficile de le dire mais il est intéressant de le rappeler.

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01316 nov 1DELVAU (Alfred). A bas le suffrage universel. Paris, Garnier frères, 1850. Une plaquette (22,5 cm x 13 cm), 16 pp.

La conspiration des poudres. Journal fulminant. N°1 du 4 au 10 juin 1848. Une page imprimée recto verso (44 cm x 30 cm)

Un portrait d’Alfred Delvau d’après une photographie de Carjat en 1860 (15,5 cm x 10,5 cm).

Dans un portefeuille de percaline. Pièce de titre.

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