Hôtel de Joyeuse au Marais, de la Révolution au XXIe siècle.

 

Nous poursuivons aujourd’hui l’histoire de l’Hôtel de Joyeuse. Après la période du Marais à son apogée, le quartier  va connaître de profonds bouleversements avant la renaissance que nous lui connaissons aujourd’hui.

Les bâtiments de l’Hôtel de Joyeuse ont été vendus par adjudication 77.500 francs le 28 floréal an 12 (18 mai 1804), au citoyen Jacques-François Lepître, ancien professeur d’éloquence de l’Université de Paris et à l’époque de la vente, directeur d’une école secondaire demeurant à Paris rue du faubourg Saint Jacques n°168 division de l’Observatoire.

Singulier personnage que ce sieur Lepître, il pourrait être au nombre des inspirateurs des girouettes. Il est vrai que l’époque incitait à la prudence. La Révolution puis son effondrement, le Directoire, L’Empire, La Restauration, Les Cent Jours et à nouveau la Restauration. Il fallait avoir bien de l’opportunisme pour survivre à de tels changements de régime quand on voulait sauver sa tête et aussi ses biens.

Né en 1764, c’est un maître de pension parisien sous l’Ancien Régime et aussi un professeur de rhétorique de l’Université de Paris. Partisan des idées nouvelles, il fut nommé après le 14 juillet 1789, un des trois cents représentants de la première Commune de Paris, il donne sa démission en 1790. Le 2 décembre 1792, il fut réélu dans la section de l’Observatoire comme membre de la municipalité provisoire.

Mémoire de Cléry, valet de chambre de Louis XVI au Temple.

Désigné pour être un des commissaires chargés de la surveillance de la famille royale au Temple, il fut associé à une tentative d’évasion de la famille royale organisée par François Augustin Régnier de Jarjayes et qui prévoyait son embarquement au Havre à destination de l’Angleterre. Mais son rôle ne fut pas celui qu’il évoqua sous la Restauration. En effet, après avoir perçu une forte somme d’argent pour l’associer à cette dangereuse opération et obtenir les passeports nécessaires, Lepitre tergiversa et son irrésolution provoqua l’abandon du projet en mars 1793. Néanmoins il fut dénoncé et il cessa d’être compris au nombre des commissaires chargés de la surveillance au Temple. Avant la mise en jugement de Marie-Antoinette, il fut incarcéré à Sainte Pélagie et témoigna au procès de la reine. Traduit devant le Tribunal révolutionnaire le 23 novembre 1793, Lepitre fut néanmoins acquitté.

La Tour du Temple.

Après le 9 thermidor, la fille de Louis XVI eut la permission de se promener dans le jardin du Temple. Madame Cléry loua dans une maison voisine deux chambres qui avaient vue sur le jardin,  Lepître composa quelques romances dont cette dame fit la musique, elles les chantait avec une de ses amies et la princesse venait les écouter. La police fit cesser ces concerts.

D’autres épisodes pendant la période révolutionnaire soulignent l’ambiguïté de Lepître. Dans des circonstances politiques difficiles, il savait bénéficier des appuis nécessaires. Mais certains conservaient la mémoire des comportements passés car en 1797 le Directoire annula son élection au conseil municipal. Peut-être par opposition à ses sympathies à la cause royaliste ou pour d’autres affaires, la motivation de cette décision reste incertaine.

Honoré de Balzac.

Après cette période mouvementée, Jacques-François Lepître reprend ses activités d’enseignement et va faire de la pension Lepître, une importante institution sous le Consulat et l’Empire. Dans ses nouveaux locaux de la rue de Turenne, il accueille de nombreux élèves qui suivent les cours du Lycée Charlemagne tout proche. Parmi ceux-ci, Honoré de Balzac fréquente cette pension au début de l’année scolaire 1814-1815.

C’est à ce moment que Jacques-François Lepître ravive ses convictions royalistes mises sous le boisseau pendant l’Empire. Il se rallie publiquement aux Bourbons et publie un ouvrage : « Quelques souvenirs ou notes fidèles sur mon service au Temple depuis le 8 décembre 1792 jusqu’au 26 mars 1793 et sur quelques faits relatifs au procès de la Reine et à celui des membres de la Commune accusés de conspiration avec la famille royale ». Paris, H.Nicolle Lenormant, 1814 où il rappelle ses états de service à l’égard de la monarchie.

S’il obtient la croix de la légion d’honneur en remerciement, son institution connait la tourmente pendant les Cent jours. Certains de ses élèves et de ses professeurs manifestaient ouvertement des sympathies bonapartiste qui étaient peu appréciées par la monarchie revenue au pouvoir.  Ces circonstances l’incitèrent à céder son institution mais auparavant, il se débarrassa de certains élèves qui s’étaient distingués par leur fièvre bonapartiste et Balzac quitta la pension Lepître probablement pour cette raison. Il devait évoquer son court passage en ces lieux dans Le Lys dans la vallée :

Le Lys dans la Vallée parait en deux volumes chez Werdet en 1836.

 » Mon père conçut quelques doutes sur la portée de l’enseignement oratorien, et vint m’enlever de Pont-le-Voy pour me mettre à Paris dans une institution située au Marais. j’avais quinze ans. Examen fait de ma capacité, le rhétoricien de Pont-le-Voy fut jugé digne d’être en troisième. Les douleurs que j’avais éprouvées en famille, à l’école, au collège, je les retrouvai sous une nouvelle forme pendant mon séjour à la pension Lepître. Mon père ne m’avait point donné d’argent. Quand mes parents savaient  que je pouvais être nourri, vêtu, gorgé de latin, bourré de grec, tout était résolu. Durant le cours de ma vie collégiale, j’ai connu mille camarades environ, et n’ai rencontré chez aucun l’exemple d’une pareille indifférence. Attaché fanatiquement aux Bourbons, M.Lepître avait eu des relations avec mon père à l’époque où des royalistes dévoués essayèrent d’enlever au Temple la reine Marie-Antoinette; ils avaient renouvelé connaissance, M.Lepître se crut donc obligé de réparer l’oubli de mon père, mais la somme qu’il me donna mensuellement fut médiocre, car il ignorait les intentions de ma famille. La pension était installée à l’ancien hôtel Joyeuse, où, comme dans toutes les demeures seigneuriales, il se trouvait une loge de suisse. Pendant la récréation qui précédait l’heure où le gâcheux nous conduisait au lycée Charlemagne, les camarades opulents allaient déjeuner chez notre portier, nommé Doisy… ».

Quant à Jacques-François Lepître, il poursuivit sa carrière d’enseignant et fut nommé en 1816 professeur de rhétorique au collège de Rouen.

Histoires-de-Paris présente l’histoire de cette pension dans une de ses pages : La pension Lepître.

L’Hôtel de Joyeuse fut cédé par les héritiers de Jacques François Lepître le 21 juin 1823.

Lefeuve dans son ouvrage, Histoire de Paris, rue par rue maison par maison, assurait qu’en 1862 ne subsistait de l’Hôtel de Joyeuse qu’une masure en face de la rue des Minimes.

A la fin du XIXe siècle, une partie des bâtiments sera reconstruite et le vaste jardin planté d’arbres se couvrira en partie d’entrepôts.

Les ateliers s’installent dans les étages et la petite industrie s’empare des lieux comme dans tout le quartier du Marais.

La photographie était trop balbutiante au cours des années 1880 pour conserver la mémoire de l’endroit. Atget n’a fixé sur ses plaques que la fontaine donnant sur la rue que nous avons montré dans notre page précédente.

Aujourd’hui les lieux ont gardé leur configuration du XIXe siècle. Mais les entrepôts ont désormais une autre destination, ils accueillent le MAIF social club qui est un lieu d’échange participatif à la programmation éclectique.

Annie Girardot dans Rocco et ses frères (1960) de Luchino Visconti.

Quant aux habitants qui pour certains d’entre eux connaissent les lieux depuis leur enfance, ils veillent avec attention à la conservation des bâtiments. Certains portent des noms connus dans le monde culturel mais il ne m’appartient pas de lever leur anonymat. Vous les croiserez peut-être rue de Turenne comme la regrettée Annie Girardot qui habitait jusqu’à son décès en 2011, la rue en face de l’Hôtel de Joyeuse.

Alors si vous avez d’autres histoires d’immeubles parisiens, les pages du blog vous sont ouvertes, n’hésitez pas à nous écrire : contact@paris-libris.com.

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CLERY. Mémoires de M.Cléry ou Journal de ce qui s’est passé dans tour du Temple, pendant la détention de Louis XVI; avec des détails sur sa mort, qui ont été ignorés jusqu’à ce jour. Edition originale seule avouée par l’Auteur. Londres, de l’imprimerie de Baylis, Greville-Street. Se vend Chez l’Auteur, n°.29, great Pulteney-Street, Golden square, Et chez MM.Les Libraires de Londres et des principales villes de l’Europe, 1800. Un volume in-12 (20,5 cm x 12,5 cm), 155 pp.

Un ex libris : Bibliothèque de Mr Roederer.

Pleine basane marbrée. Roulettes dorées sur les plats et les coupes, dos orné d’un décor doré. Coiffes et coins usés.

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LEFEUVE. Histoire de Paris, rue par rue, maison par maison. Cinquième édition. Paris, C.Reinwald Leipzig, A.Twietmeyer, 1875. 5 volumes in-12 (18,5 cm x 12 cm), 516-516-516-744-531 pp.

Percaline rouge brique décorée de l’éditeur.

Vendu.

 

 

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BALZAC (Honoré de). La Comédie Humaine. Théâtre. Contes drolatiques. Oeuvres diverses. Texte révisé et annoté par Marcel Bouteron et Henri Longnon. Paris, Louis Connard, 1912-1940. 40 volumes in-8 (22 cm x 16 cm).

Plus de 2000 illustrations de Charles Huard gravées sur bois par Pierre Gusman.

La Comédie Humaine. Etudes de Moeurs. Scènes de la vie privée I. La maison du chat-qui-pelote-Le bal de Sceaux-Mémoires de deux jeunes mariés-La Bourse (I).  II. Modeste Mignon-Un début dans la vie (II). III. Albert Savarus-La vendetta-Une double famille-La paix du ménage-Madame Firmiani-Etude de femme (III). IV. La fausse maîtresse-Une fille d’Eve-Le message-La grenadière-La femme abandonnée-Honorine (IV).  V. Béatrix-Gobseck (V). VI. La femme de trente ans-Le père Goriot (VI). VII. Le colonel Chabert-La messe de lathée-L’interdiction-Le contrat de mariage-Autre étude de femme (VII). La Comédie Humaine. Etudes de moeurs : Scènes de la vie de province. I. Ursule Mirouët-Eugénie Grandet (VIII). II. Les célibataires : Pierrette-Le curé de Tours-La rabouilleuse (IX). III. Les parisiens de province : L’illustre Gaudissart-La muse du département. Les Rivalités : la vieille fille (X). IV. Les rivalités : Le cabinet des antiques. Illusions perdues : I. Les deux poëtes (XI). V. Illusions perdues : II. Un grand homme de province à Paris. II. Les souffrances de l’inventeur (XII). La Comédie Humaine. Etudes de Moeurs : Scènes de la Vie parisienne. I. Histoire des treize : Ferragus. La duchesse de Langeais-La fille aux yeux d’or (XIII). II. Grandeur et décadence de César Birotteau. La maison Nuncingen (XIV). III. Splendeurs et misères des courtisanes : I. Comment aiment les filles. II. A combien  l’amour revient aux vieillards (XV). IV. Splendeurs et misères des courtisanes : III. Où mènent les mauvais chemins. IV. La dernière incarnation de Vautrin. Les secrets de la princesse de Cardigan-Facino cane. Sarrasine-Pierre Grassou (XVI). V. Les parents pauvres : I. La cousine Bette. (XVII). VI. Les parents pauvres : II. Le cousin Pons. Un prince de la bohême-Un homme d’affaires. (XVIII). VII. Les employés. Gaudissart II-Les comédiens sans le savoir. (XIX). VIII. Les petits bourgeois. L’envers de l’histoire contemporaine. (XX). La Comédie Humaine. Etudes de Moeurs : Scènes de la vie politique. Un épisode sous la Terreur. Une ténébreuse affaire-Le député d’Arcis. Z.Marcas. (XXI). La Comédie Humaine. Etudes de Moeurs : Scènes de la Vie militaire. Les Chouans. Une passion dans le désert. (XXII). La Comédie Humaine. Etudes de Moeurs : Scènes de la Vie de campagne. I. Les paysans. (XXIII). II. Le médecin de campagne. (XXIV). III. Le curé de village. (XXV) IV. Le lys dans la vallée. (XXVI). La Comédie Humaine. Etudes philosophiques. I. La peau de chagrin-Jésus-Christ en Flandre-Melmoth réconcilié-Massimilla Doni. (XXVII). II. Le Chef d’oeuvre inconnu-Gambara-La recherche de l’absolu-L’enfant maudit. (XXVIII). III. Adieu-Les Marana-Le réquisitionnaire-El Verdugo-Un drame au bord de la mer-Maitre Cornélius-L’auberge rouge. (XIX). IV. Sur Catherine de Médicis-L’élixir de longue vie. (XXX). V. Les proscrits-Louis Lambert-Séraphita. (XXXI). La Comédie Humaine. Etudes analytiques I. Physiologie du mariage ou méditation de philosophie éclectique sur le bonheur et le malheur conjugal. (XXXII). II. Petites misères de la vie conjugale. (XXXIII). Théâtre. I. Vautrin-Les ressources de Quinola-Paméla Giraud (XXXIV). II. La marâtre-Le faiseur-L’Ecole des ménages (XXXV). Contes drolatiques. I. Premier et deuxième dixain. (XXXVI). II. Troisième dixain. Fragments inédits de dixains inachevés (XXXVII). Oeuvres diverses. I. (1824-1830) (XXXVIII). (II. (1830-1835) (XXXIX). III (1836-1848) (LX).

Broché. Quelques exemplaires débrochés mais sans manque. Collection complète de ses quarante volumes.

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