GOUDEAU (Emile). Illustrations de Pierre VIDAL. Paris qui consomme.

goudeau 56goudeau 55Rien de ce qui concernait la consommation des parisiens ne pouvait échapper à Emile Goudeau, fondateur du club des hydropathes. Familier de la bohême parisienne de l’époque, il menait sa vie à grandes guides profitant de tous les plaisirs. Dans un précédent blog (Parisienne Idylle) voir ici, nous l’avons déjà présenté. Tout comme l’illustrateur de ce livre, Pierre Vidal pour Parisienne Idylle voir ici, et La vie à Montmartre de Georges Montorgueil voir ici. Ses fins dessins illustraient les meilleurs livres de bibliophilie.

L’association de ces deux artistes produisait un des beaux ouvrages dont Henri Béraldi avait le secret. Avec leurs tirages très limités, ces livres sont devenus très rares aujourd’hui et font l’admiration des collectionneurs qui les recherchent.

goudeau 59goudeau 65Dans sa préface de Paris qui consomme, Henri Beraldi présente son sujet :  » Consommer : qu’est ceci ? C’est,  – on dit savamment les économistes, – détruire par l’usage. En ce sens on dit que Paris consomme actuellement chaque année trois cent mille boeufs, deux cent cinquante mille veaux, un million de moutons, trois cent mille porcs, quinze millions de kilos de gibier, quatre millions de kilos de poissons, sept million de kilos de lapins, cent mille kilos de truffes, vingt millions de kilos de beurre, un demi-milliard d’oeufs, cinq cents millions de litres d’un liquide portant à juste ou faux titre le nom de vin, dix-sept millions de litres d’alcool bien ou mal rectifié, trente millions de litres de bière peu ou prou salicyclée, etc, etc….Tout cela est fort bien au point de vue économiste, mais ne nous dit pas ce que dans la vie courante signifie le mot consommer. Par la bonne raison que les économistes n’entendent rien à la vie et au langage usuel… L’extension formidable du goudeau 66goudeau 67besoin de consommer est un fait aussi remarquable dans notre siècle que la transformation des voies de communication…A Paris, la consommation est gigantesque. Non point que chaque Parisien soit individuellement un goinfre, un pilier de café ou de brasserie. Mais d’une façon relative : deux millions et demi d’hommes sont forcément un consommateur formidable….Donc Paris a aujourd’hui des matières et des manières de consommation spéciales à notre temps… »

Sous la plume de Goudeau et le crayon de Vidal, la consommation devient plaisir et fêtes. Comme le besoin de consommer naît avec le jour et ne prend fin qu’avec la nuit, toutes les occasions sont offertes au lecteur. Nous pouvons imaginer que Goudeau les teste avec un appétit féroce. Rien n’échappe à l’acuité de son observation, lui qui connait si bien tous les lieux enchanteurs ou goudeau 68goudeau 62misérables de la ville. Il souligne aussi que « Paris, la ville du plaisir, est avant tout la ville du travail : avec fièvre, avec génie, Paris industriel abat une besogne immense. D’ailleurs sans travail point de consommation ».

C’est ainsi de sujet en sujet, il décrit toutes les consommations parisiennes abondamment illustrées par Pierre Vidal qui croque successivement : L’heure de l’Apéritif, Départ des Cochers, La Crémerie, Bar anglais, Brasserie allemande, Buvette de la Chambre, Mastroquet vieux-jeu, La Tournée des nouveaux Architectes, Bar à deux sous, Mail-Coach aux Courses, Fontaine Wallace, Les Nourrices aux Tuileries, Vacherie du Pré-Catelan, Dans les Grands Magasins, Five o’clock Tea, L’Apéritif de la Mariée, Au Café Chinois, Soupe à la porte de la Caserne, Deux sous de frites, Déjeuner des Cochers d’omnibus, Au Bouillon Duval, Restaurant à dix-sept sous, goudeau 61goudeau 60A la Maison Dorée, A la tour Eiffel, Repas funéraire, Buvette de la Bibliothèque Nationale, Au Bord de l’Eau, A Saint-Lazare, Au Dépôt de la Préfecture de Police, mettez deux sous, Rue de la Lune, Au Poste du Palais de Justice, Sur l’herbe, chez le Pâtissier, Un qui dîne mal, Table d’Hôte, Dîner en têtes, En Cabinet particulier, Aux Ambassadeurs, Brasserie à Femmes, l’Auberge des Adrets, Au Chat Noir, Le Cabaret de Bruant, Chez le Père Lunette, Le restaurant où l’on saute, Au Moulin Rouge, Buffet du Bal de l’Opéra, Bal en plein vent le 14 Juillet, Au Café Américain, Souper après le Cotillon, Nuit d’Exécution.

Cette description de toutes les consommations parisiennes, prétexte notamment à défense patriotique des « produits français », le passage sur la mode de la bière a des relents revanchards sur la proche défaite de 1870, n’exclue pas les sujets graves. Derrière les consommations, c’est toute la société parisienne qui se trouve finement analysée. L’ouvrage s’achève par l’évocation d’une exécution publique comme une sinistre métaphore de la consommation mêlant le condamné, le bourreau et les spectateurs « La tête d’un condamné tombant sous le couteau de M.Deibler est une consommation rare, pour laquelle les privilégiés de la finance, de la politique et de la presse se disputent les numéros « .

goudeau 69goudeau 63Un voile tombe et le jour pointe : « le fiacre suprême, la dernière voiture de cercle ramène au logis le joueur décavé ou l’amoureux attardé; les ouvriers, maçons, charpentiers, débardeurs, forgerons, zingueurs, tourneurs, serruriers, tous les innombrables corps d’état descendent vers leurs labeurs; les cochers vont sortir; le ver, de nouveau, va être tué : les mastroquets s’ouvrent ».

La vie parisienne cruelle ou douce continue, pendant quelques pages Emile Goudeau l’a fixée tout comme son lointain prédécesseur Louis-Sébastien Mercier à qui l’ouvrage est dédié. Pour retrouver l’ouvrage de Mercier, Tableau de Paris, voir ici.

Le tirage annoncé de l’ouvrage est de 138 exemplaires, Vicaire (III-1078) indique que seul 100 exemplaires furent mis dans le public.

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goudeau 51goudeau paris qui consomme 1GOUDEAU (Emile). Paris qui consomme. Paris, Imprimé pour Henri Beraldi, 1893. Un volume in-4 (27,5 cm x 20 cm), IX-325 pp.

Dessins de Pierre Vidal. 1 frontispice et 50 hors-texte.

Un des 138 exemplaires numérotés à la presse sur papier vélin des Vosges.

Demi maroquin rouge à coins. Dos décoré de motifs floraux. Titre et filets dorés. Reliure signée Carayon. Couvertures conservées.

Réservé .

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