Au début des années 60, lors d’un survol en hélicoptère de la région parisienne, le général de Gaulle aurait prononcé une phrase abrupte : » Delouvrier, mettez moi de l’ordre dans ce bordel ». Paul Delouvrier était à l’époque Délégué général au district de la région de Paris, poste qu’il a occupé de 1961 à 1969. En 1965, il a défini avec l’équipe qu’il dirige, le Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris. C’est ce document que nous allons évoquer.
La croissance de la région parisienne s’effectuait après la seconde guerre mondiale, dans une certaine anarchie. Le pouvoir politique de l’époque décidait d’organiser ce territoire. Le Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de la région de Paris imagine l’évolution prévisible de la région de Paris tant au niveau économique qu’au niveau démographique pour se fixer des objectifs en matière d’urbanisme et d’aménagement de la région de Paris. En introduction, il définit l’objet et la portée du nouveau schéma directeur d’aménagement de l’espace.
» La capitale, les longs faubourgs qui la cernent et l’étendent, les villes, les villages et les terres d’Ile-de-France, occupent sur 12.000 kilomètres carrés, à peine 2% du territoire national, et forment administrativement-divisée demain en huit département-la région parisienne….
Préparer la région de Paris à son avenir, c’est rendre la vie meilleure aux millions d’hommes et de femmes, ses habitants d’aujourd’hui et de demain; c’est faire de cette région un outil économique plus efficace au service de la collectivité nationale, c’est y mettre en valeur une beauté ancienne, y créer une beauté nouvelle, que le Parisien comme le visiteur du pays le plus lointain puisse aimer ».
La croissance s’annonçait heureuse pendant les trente glorieuse. Les auteurs du Schéma Directeur présente la situation de l’urbanisme dans Paris et sa banlieue en soulignant son unité urbaine, la disparition des espaces libres, le sous équipement de la banlieue, la congestion du centre, les lenteurs des rénovations suite au conflit de la seconde guerre mondiale.
Par la suite, ils s’arrêtent sur les réglementations d’aménagement et d’urbanisme pour l’agglomération parisienne dans son ensemble en soulignant la modestie du périmètre d’agglomération, la faiblesse du contrôle des implantations d’activité et la nécessité du dépassement de l’agglomération actuelle.
Puis ils définissent les principes d’urbanisme au niveau de la région parisienne dans son ensemble en proposant la création de centres urbains nouveaux en banlieue actuelle et de villes nouvelles en zone d’extension pour cela ils retiennent des axes préférentiels d’urbanisation et de transport pour garantir l’unité de la région urbaine.
Ils décrivent aussi les partis pris du schéma d’aménagement en expliquant les choix qui vont orienter l’extension de l’agglomération : Le Nord et la vallée de l’Oise, le Sud-Ouest et l’Ouest : de l’autoroute du Sud à Versailles et Mantes, La vallée de la Seine en aval de Saint-Germain, l’Ouest proche de Paris, le Sud-Est et la vallée de la Seine en amont de Paris, l’Est. La réflexion conduite concerne aussi Paris intra-muros dont les fonctions sont redéfinies avec l’édification de centres urbains nouveaux permettant d’alléger certaines fonctions dévolues jusqu’à présent à la ville centre.
Pour faire face à la croissance, les auteurs poursuivent leurs investigations en développant leur analyse des transports dans la région parisienne tant pour les personnes que pour les marchandises. Et l’on retrouve les grands réseaux de transport encore existant et notamment le réseau express régional (R.E.R).
Les auteurs définissent aussi la nature et l’évolution des activités parisiennes. Pour cela ils analysent les superficies et les localisations des emplois et envisagent les desserrements des activités pour assurer leur développement. Sans oublier l’organisation des loisirs avec l’espace nécessaire, les liaisons notamment par les transports et les aménagements pour les forêts, les plans d’eau, les petites vallées : les résidences secondaires, les équipements de loisirs des centres urbains, les équipements locaux.
» Le Schéma Directeur ne trace pas une région urbaine fermée sur elle-même-quelle qu’en soit l’étendue-mais projette vers Rouen et la mer, par le Val de Seine, les directions dans lesquelles, à mesure des progrès de sa richesse et de sa population. Paris, s’il le fut pourra avancer » Il semble qu’aujourd’hui encore cet axe de développement soit toujours d’actualité.
Cette approche globale et pragmatique pour façonner un territoire n’est pas sans rappeler l’action d’Haussmann à Paris un siècle plus tôt.
Dans la configuration présente de la région parisienne, on retrouve quelques lignes directrices du schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris des années 60 mais de multiples contraintes ont bouleversé la vision initiale au point qu’une vaste réflexion est actuellement en cours sur le Grand Paris dont on devine l’esquisse avec les projets de développement des réseaux de transport en commun.
Les architectes ont parfois une vision moins « pratique » des villes, le radicalisme de Le Corbusier pour Paris, est dans les mémoires.
Henry Bernard, architecte, inspecteur général des bâtiments civils et des palais nationaux, un des conseillers de Paul Delouvrier pour l’élaboration du Schéma Directeur d’Aménagement de la Région de Paris imagine au milieu des années 60, le Paris du XXIe siècle dans Paris Majuscule en posant les termes de l’enjeu : Paris optera-t-il pour l’indolence, la paresse, l’inertie ? et en esquissant une piste de réflexion : « Utiliser l’inévitable mutation en cours et la conduire dans une cohérence d’ensemble, harmonisée avec les prolongements extérieurs régionaux, c’est sauver l’avenir au prix de l’effort ».
Dans Paris Majuscule, nous découvrons les esquisses d’une ville nouvelle intégrant les changements apportés par le métro, l’automobile et la densification des villes, où tout doit être repensé : les hôpitaux, les marchés et les grands magasins, les zones industrielles, les transports ferrés et garés, les réseaux métropolitains, la pollution de l’air (déjà !) et les espaces verts…Les rêves d’architecte ne sont pas tous réalisables mais ils inspirent parfois les générations futures.
Que sera demain Paris et sa région ? Les écrivains aussi l’imaginent comme Aurélien Bellanger dans son passionnant roman, Le Grand Paris, paru l’année dernière mais là vous devrez l’acheter en librairie car comme vous le savez, Paris-Libris ne vend que des « livres anciens » même si les deux ouvrages que nous venons d’évoquer n’ont finalement qu’un peu plus de cinquante ans. A l’aune d’un temps qui s’accélère, c’est déjà beaucoup !
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Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris. Paris, Premier Ministre Délégation générale au district de la région de Paris, 1965. Un volume in-4 (28,5 cm x 21,5 cm), 221 pp.
Nombreux plans en double page et deux grands plans dépliants : Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris au 1/100.000 et La région de Paris dans le bassin parisien au 1/500.000.
Reliure toilée sous étui d’éditeur. Dos insolé.
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BERNARD (Henry). Paris Majuscule. Paris, 1967. Un volume in-4 format italien (31 cm x 43 cm), 55 pp
Nombreuses photographies en noir et blanc et plans in et hors texte.
Envoi signé de l’auteur sur la page de garde avec jointe, sa carte de visite.
Exemplaire numéroté et nominatif.
Pleine reliure toilée rouge. Une légère tache dans l’angle du premier plat.
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BELLANGER (Aurélien). Le Grand Paris. Paris, Gallimard, 2017. Un volume in-8 (20,5 cm x 14 cm), 480 pp. Broché. 22 euros.
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