Aujourd’hui un ouvrage qui nécessite une présentation un peu plus longue que d’habitude par son sujet, des lieux de nécropole des plus grands personnages sous l’Ancien Régime, par son illustration, de magnifiques blasons de ces grandes familles et aussi par ses différents possesseurs aux XVIIIe et XIXe siècles qui laissèrent dans l’ouvrage quelques précieuses annotations que nous découvrirons à la fin de cette page de blog.
Jean Le Laboureur (1623-1675) ecclésiastique, écrivain et historien. En 1642, il publie à 19 ans Les Tombeaux des personnes illustres que nous allons présenter ci-après. En 1644, comme gentilhomme servant à la cour, il est choisi pour accompagner en Pologne la maréchale de Guébriant et Louise-Marie de Gonzague, future reine de Pologne. Après ce voyage, il rédige en 1647 « Relation du voyage de la Reine de Pologne et du retour de Madame la Maréchal de Guébriant, ambassadrice extraordinaire ». En 1645, il entre dans le clergé puis est nommé aumônier du roi et reçoit comme bénéfice le prieuré de Juvigné.
Jean Le Laboureur présente dans son ouvrage les tombeaux du couvent des Célestins dont nous allons brosser rapidement l’histoire ci-après, de l’église de Sainte Catherine du Val des Escoliers, détruite en 1767 et dont la place du marché Sainte Catherine garde la mémoire, de l’église des religieuses de l’Ave-Maria dont le couvent est supprimé en 1790 et les bâtiments démolis en 1878, de la chapelle de Notre-Dame de Braque aujourd’hui disparue et située dans la rue du même nom.
Sous l’Ancien Régime, le couvent des Célestins est la nécropole parisienne des personnages célèbres. Il est situé à Paris entre la rue du Petit-Musc à l’ouest, la rue de l’Arsenal à l’est, la rue de la Cerisaie au nord, le quai des Célestins et la rue de Sully au sud. Les Célestins sont accueillis en France par Philippe le Bel. Le dauphin Charles pendant la captivité de Jean le Bon les installent en 1352 dans l’ancien couvent des Grands Carmes. Le couvent comprenait un cloître et des chapelles et l’église abbatiale construite à partir de 1365. L’Hôtel Saint Pol, résidence de Charles V est à proximité du monastère qui fut donc généreusement doté et cela continua tout au long de l’ancien régime. Le cloître fut reconstruit au XVIe siècle. A leur tour, les bâtiments qui menaçaient ruine ont été reconstruits en 1682. Entré en décadence, la Communauté des Célestins est dissoute en 1779. Sous la Révolution, le couvent fut profané puis transformé en dépôt de bois. Supprimé en 1790, il devient caserne sous le Consulat et progressivement connaît la destruction. Les derniers éléments du cloître sont démolis lors de la construction de la caserne des Célestins qui abrite la Garde Républicaine.
Ce couvent est surtout connu pour avoir été le lieu de sépulture d’un nombre important de princes, prélats, magistrats, membre des grandes familles du temps. Quelques restes des somptueux tombeaux qui ornaient son église abbatiale et ses chapelles sont conservés au Louvre, à Saint-Denis ou dans l’église Saint-Gervais-Saint-Protais.
Ce livre, Les Tombeaux des personnes illustres, dédié au Cardinal de Richelieu, nous présente principalement les tombeaux des Célestins, impressionnante nécropole, sorte de Saint-Denis parisien qui accueille dès sa construction les dépouilles de la famille d’Orléans puis progressivement celles de toutes les grandes familles de l’Ancien Régime. Blasons et tables généalogiques illustrent l’ouvrage nous permettant de découvrir la vie et les familles de ces personnages célèbres en leur temps.
En feuilletant cet ouvrage, nous parcourons des siècles d’Histoire de France. Les couvents aujourd’hui disparus et leurs statuaires détruites ou dispersées dans des musées, il nous reste ces pages largement documentées. L’auteur a sans doute voulu, avant les bouleversements à venir, conserver la mémoire des lieux qui pour certains d’entre eux, étaient déjà à l’époque dans un état médiocre. Son témoignage est aujourd’hui précieux car il ne reste rien des bâtiments si ce n’est un nom pour la caserne de la Garde Républicaine, dîtes des Célestins et des noms de rues ou de place pour les autres lieux religieux.
Indépendamment de la richesse de son contenu, notre ouvrage présente quelques particularités qui font sa singularité.
Plusieurs mentions manuscrites permettent de suivre en partie l’histoire de quelques uns de ses propriétaires.
Ainsi il est mentionné que le livre a été » acheté en janvier 1789 à la vente du feu Maréchal duc de Richelieu « . L’acquéreur est Mr Rahault de Villers, auditeur des comptes à Paris. Le Maréchal de Richelieu (1696-1788) était plus connu à l’époque pour ses talents militaires et sa vie libertine que pour son intérêt pour sa bibliothèque mais il avait sans doute à son service des bibliothécaires attentifs.
A la suite de cette mention se trouvent quelques annotations sur les aléas climatiques de l’été 1788 et les rigueurs hivernales de 1788-1789 et 1798-1799 avec les fleuves gelés et des considérations sur la gouvernance royale face à la situation du pays : » rien n’aurait pu remettre les têtes échauffées par les malheurs de cette année 1788, si le roy n’avait renvoyé du ministère le cardinal de Brienne, archevêque de Sens et le Garde des sceaux Lamoignon…. » Le propriétaire de l’ouvrage laisse passer la période de la Révolution sans porter d’autres commentaires sur l’ouvrage, peut-être a-t-il émigré ? C’est en 1814 qu’il exprime sa satisfaction avec les quelques mots suivants : » Déchéance de Napoléon Bonaparte. Rentrée en France du Roy Louis 18 et de tous leurs princes et princesses de l’auguste maison de Bourbon. Vive le Roy. Vivent à jamais en France les princes de cette auguste, bonne et très excellente maison. » Si jamais Napoléon s’était maintenu au pouvoir après juin 1815, on imagine que cette page aurait été détruite !
A la fin du XIXe siècle l’ouvrage rejoint la bibliothèque de Paul Lacombe, qui y appose quelques commentaires. Historien parisien et possesseur d’une importante bibliothèque qui sera vendue en 1923, voir notre rubrique Bibliographies, Paul Lacombe a laissé d’intéressants ouvrages pour la connaissance du vieux Paris, sa Bibliographie parisienne est toujours un livre de référence.
L’ensemble forme un précieux témoignage sur l’Histoire de France et l’Histoire parisienne, ses possesseurs les plus connus ou identifiés comme le maréchal de Richelieu, Mr Rahault de Villers, auditeur des comptes ou plus récemment Paul Lacombe soulignent l’intérêt de l’ouvrage parvenu intact et complet jusqu’à nous et probablement dans sa reliure (modeste) d’origine.
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LE LABOUREUR. Les Tombeaux des personnes illustres avec leurs eloges, généalogies, armes & devises. A Monseigneur le Cardinal (Richelieu). Paris, Jean Le Bouc, 1642. Un volume petit in-folio (31,5 cm x 20,5 cm), 8-(Dédicace)-8-(Préface)-6-(Epigramme et Table des matières)-330-4(Additions et corrections, privilège) pp.
Un frontispice dessiné et gravé par Avice (Un infime manque en pied)
Hors-texte :
Tableau généalogique de la famille d’Orléans,
Table généalogique de la maison du Luxembourg (Deux planches),
Table généalogique pour faire voir que Monsieur le marquis de Gesvre est issu de Charlemagne (Quatre planches),
Table pour rendre raison des cartiers des armes de Monsieur le marquis de Noirmoustier (Une planche),
Table généalogique des Bourbons (Une planche).
Blasons in-texte (106) gravés par Pierre Nolin.
Quelques annotations in-texte. En début et fin de volume, trois pages de commentaires sur les circonstances du temps (fin XVIIIe et début XIXe)
Ex-libris de Paul Lacombe.
Vélin un peu bruni, tranches jaspées, charnières fendues et renforcées en pied (Reliure de l’époque).
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