Maurice Guillemot (1859-1931) est un homme de lettres, il a aussi été le fondateur de la société internationale des aquarellistes.
Eugène Béjot (1867-1931) étudie d’abord à l’académie Julian. Il apprend la gravure avec Félix Bracquemond et Lepère. En 1893, il devient sociétaire des peintres-graveurs français et membre de la Société Nationale des Beaux-Arts. Il expose au Salon jusqu’en 1912. Il reçoit une médaille d’argent à l’Exposition universelle de 1900.
L’oeuvre de Béjot est étroitement liée à Paris. Peu des aspects de la capitale lui échappent, les ponts en 1892, les squares et les jardins en 1896, les vieux murs en 1899, les monuments et les bateaux en 1903, les figures typiques et les scènes quotidiennes. Ses gravures sont publiées en album ou en planches isolées et remportent du succès en France et en Angleterre. Eugène Béjot a réalisé pendant sa carrière artistique plus de quatre cent trente gravures.
Avec Entr’actes de Pierres, Maurice Guillemot nous invite à un voyage dans Paris qu’il illustre avec les eaux-fortes d’Eugène Béjot. Ce livre a un charme certain. Un texte ciselé et de vigoureuses gravures qui captent avec talent l’espace parisien, offrent un moment de grâce comme les ouvrages de bibliophilie peuvent parfois en procurer.
Guillemot évoque la nature à Paris : » Entre des pavés vieux d’un siècle, qui ont été secoués par le passage des charrettes menant à la guillotine, qui ont été ébranlés par les défilés de canons, qui tressaillirent aux acclamations saluant l’Empereur et Roi, qui subirent le contact infamant et odieux des Alliés, que remuèrent les émeutes et les Révolutions, qu’enthousiasma Juillet, que navra Décembre, sur lesquels neigea 1870, avec quoi le 18 mars fit ses barricades, – des graminées poussent, une flore multiforme et imprévue s’épanouit, de la poésie, naît sans cesse, la nature généreuse consent à égayer la Ville, de la verdure et des parfums rompent la monotonie architecturale des quartiers et des façades, mettent une aigrette colorée aux pierres de taille, agrémentent les corniches, adornent les balcons, évoquent Sémiramis sur les gouttières, sont le charme de Paris. La flore du pavé compte 209 espèces …. » et bien entendu, il s’arrête au marché aux fleurs.
Puis il poursuit son chemin vers la Bastille où il découvre des jardins cachés : » De chaque côté de l’écluse étroite qui s’enfonce sous la voûte conduisant au grand bassin de la Bastille, ce sont des terrains champêtres, – les pavillons d’architecture municipale à l’aspect d’anciennes barrières dissimulés par la verdure des arbres, sous les acacias aux teintes variées, il y a des tourelles , des poulaillers, et, venant jusqu’au pont Morland dont les séparent des grilles, un enclos de vignes basses grimpant à des armatures de berceaux, le tout très feuillu, plein de grappes, avec, dans l’intervalle des rangées de ceps, des petits pois, des légumes. Des pots d’oeillets, un tonneau pour arroser, la niche du chien, des abris pour la basse-cour….
Les bateaux ont aussi leur rôle dans la distribution de la flore : » Du Nord et du Midi, de l’Est et de l’Ouest, les grands bateaux plats apportent d’innombrables graines dont les fouette la brise, semence éparpillée au hasard des saisons, qu’ils promènent par toute la France, qu’ils déposent ça et là, et qui poussent alors parmi les ruines de la Cour des Comptes, dans les Chantiers de l’Exposition, sur les toits même des maisons…. »
Et puis pour échapper au capharnaüm de bâtisses qui montent leurs étages vers le ciel, il y a quelques surprenant jardins suspendus et de jolis balcons fleuris.
Même les postes d’aiguillage s’enveloppent de végétation : » A l’orée de la Ville, entre les fortifications et Levallois-Perret; la cabane est enguirlandée de feuillage et, entre des bordures faites avec de vieilles caisses, il y a, parmi l’arachnéenne confusion des voies qui se mêlent, bifurquent, se prolongent, il y a un tranquille potager, un calme minuscule potager de village où les salades sont bien alignées, où les petits pois prospèrent, où les asperges même font leurs cinq ans … »
De lieu en lieu, du jardin de l’éclusier, aux caissettes posées sur les péniches, à la vigne de l’Institut, aux balcons fleuris, au potager de l’aiguilleur, à la tonnelle de l’invalide, à la terrasse du curé, Maurice Guillemot repère tous les espaces fleuris jusqu’au cimetière du Père Lachaise où tout s’achève…
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GUILLEMOT (Maurice), Entr’actes de Pierres. Paris, Henri Floury, 1899. Un volume in-4 (28 cm x 21 cm), 37 pp.
Eaux-fortes d’Eugène Béjot. Une eau-forte en couleurs en couverture, 10 eaux-fortes tirées sur chine et contrecollées, dont 5 hors-texte, et 15 ornements végétaux tirés sur bois en vignettes, en-têtes, culs-de-lampe et in-texte.
Un des trois cents exemplaires sur vergé d’Arches signé par l’auteur et l’illustrateur.
Exemplaire non coupé.
Reliure toilée rose claire (traces d’insolation), titre doré. Couvertures conservées.
Bon exemplaire.
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