Aujourd’hui un document du XVIIe siècle que nous présenterons un peu plus tard dans cette page. Il a trait à la puissante Abbaye Saint-Victor de Paris qui a déployé son rayonnement intellectuel dans tout l’Occident médiéval.
Fondée au XIIe siècle par Guillaume de Champeaux, directeur de l’école cathédrale de Notre-Dame de Paris, l’Abbaye de Saint Victor devient rapidement l’un des centres les plus importants de la vie intellectuelle de l’Occident médiéval.
Les chanoines réguliers de Saint Victor (Canonici Regulares Sancti Victoris) forment un institut de vie consacrée de chanoines réguliers dont l’abbaye Saint Victor de Paris fut un des centres les plus prestigieux au Moyen Age. Ces chanoines sont soumis à la règle de Saint Augustin que l’on peut considérer comme un traité de charité, d’amour du prochain, restaurant la vie pratiquée par les apôtres.
Supprimée en 1790, l’abbaye fut démolie en 1811 et remplacée dans un premier temps par la halle aux vins, puis dans la deuxième moitié du XXe siècle par la faculté des sciences de Jussieu.
Au début du 12e siècle, Guillaume de Champeaux abandonne l’enseignement universitaire et s’installe avec quelques disciples dans un ermitage près d’une chapelle dédiée à saint Victor au pied de la montagne Sainte-Geneviève. Lorsque Guillaume est élu évêque de Châlons sur Marne en 1113, le roi Louis VI le Gros transforme la retraite de Guillaume de Champeaux en abbaye et l’année suivante le pape confirme cette fondation.
Le successeur de Guillaume de Champeaux, le prieur Gilduin sera l’abbé du nouveau monastère de 1113 à 1155 et lui impose une règle rigoureuse Liber ordinis Sancti Victoris, où dominent le silence et le travail manuel.
Les Victorins sont une des plus célèbres congrégations du Moyen Age dans le champ intellectuel. Saint Victor devient alors un lieu de retraite prisé par Bernard de Clairvaux ou Thomas Becket et les évêques de Paris y avaient un appartement. Le cloître devenant une école publique de théologie et des arts libéraux, véritable monastère université fréquentée par le philosophe Abélard ou Pierre Lombard auteur des célèbres Sentences commentées jusqu’à Luther.
L’abbaye possédait une riche bibliothèque ouverte au public. L’activité d’enseignement de l’abbaye y favorise le développement de son fonds.
Les principaux maîtres de cette abbaye savante sont Hugues et Richard de Saint Victor. Le premier est reconnu comme le véritable fondateur de l’école, abbé de 1125 à 1140 est tout à la fois savant, philosophe, mystique et pédagogue. L’ouvrage De sacramentis christianae fidei (1136-1141) est la plus importante synthèse théologique avant Thomas d’Aquin ; le second, Richard de Saint Victor est considéré comme le fondateur de la mystique médiévale.
Au XIIIe siècle, l’école est concurrencée par l’université de Paris qui l’éclipse, tout en étant chargée de la pénitence pour l’ensemble des étudiants, les Victorins les incitant à une vie moins mondaine, consacrée à l’édification des fidèles et à la liturgie.
Au début du XIVe siècle la plupart des bâtiments du XIIe sont détruits et remplacés par de nouveaux locaux plus vastes, mieux éclairés. L’abbaye est alors au sommet de sa puissance. A partir de 1350, l’abbaye connaît des difficultés et malgré plusieurs réformes, elle est finalement absorbée en 1633 par la congrégation de France. La congrégation est supprimée en 1790 pendant la Révolution, l’église est érigée en paroisse en 1791 puis les bâtiments sont vendus comme biens nationaux, avant d’être finalement démolis en 1811.
Les chanoines réguliers de Saint Victor ont connu une renaissance à partir de 1968. En 1976, leur monastère à Champagne obtient le titre d’abbaye. En 1992, le Saint Siège les reconnait comme congrégation unie à la confédération des chanoines réguliers de Saint Augustin.
La congrégation des Chanoines Réguliers de Saint Victor, dont la maison mère est l’abbaye Saint Pierre de Champagne (07) est une communauté fondée en 1968 assumant, dans la famille canoniale, l’héritage de l’antique abbaye et congrégation de Saint Victor de Paris.
Pour évoquer la riche histoire de l’Abbaye, un document manuscrit du XVIIe siècle. Composé de 254 pages rédigées en latin, la langue de l’Eglise à l’époque, il présente Les Constitutions de l’Abbaye des Chanoines réguliers de Saint-Victor à Paris.
Et l’on découvre au long des pages les règles de vie des chanoines. On peut imaginer que l’un d’entre d’eux les a fidèlement recopiées pour son usage personnel ou pour une activité enseignante car on y découvre dans le détail l’organisation de l’Abbaye comme par exemple les pages consacrés à De electione Abbatis ou à celle De Communi expensa Monasterii.
Le texte écrit au XVIIe siècle se prolonge par une graphie XIXe sur deux pages. Elle est probablement due au religieux propriétaire du manuscrit qui sur la première page du manuscrit a tracé les mots suivants : « Ex libris F.Marie Leandri Badichy 1839 ».
Comme toutes les bibliothèques de monastères, la librairie de Saint-Victor a été dispersée à la Révolution. Notre ouvrage ré-apparaît donc en 1839. Il porte aussi un ex-libris de la maison des jésuites de Versailles. Les jésuites se sont installés dans cette ville au début du 20e siècle et ont dirigé un célèbre établissement d’enseignement.
Et puis après, le document a eu une vie profane qui nous donne l’occasion de le découvrir aujourd’hui.
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Constitutions de l’Abbaye des Chanoines Réguliers de Saint-Victor à Paris. Un volume in-4 (22,5 cm x 17,5 cm), 214 pp.
Manuscrit du XVIIe siècle en latin. La dernière page du manuscrit (manquante) a été recopiée au XIXe siècle par le propriétaire de l’ouvrage à l’époque (1839).
Une marque d’appartenance : Domus SJ Versaliensis.
Pleine reliure d’époque avec quelques accidents (mors fendus, coins usés…) mais néanmoins solide. Dos à cinq nerfs, caissons décorés, tranches mouchetées.
Intéressant document relatif à une prestigieuse Abbaye parisienne désormais disparue.
Vendu .
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