En 1826 paraît « Petit dictionnaire critique et anecdotique des enseignes de Paris, par un batteur de pavé ». Il est tiré sur les presses de l’Imprimerie de Balzac, rue des Marais-Saint-Germain n°7. L’auteur a préféré l’anonymat. Mais ce » batteur de pavés » qui le nez en l’air avait parcouru les rues de Paris pour y relever des enseignes dignes de remarque a été identifié par les critiques et bibliographes comme étant Balzac. C’est le huitième ouvrage imprimé par Balzac dans son imprimerie rue des Marais-Saint-Germain (aujourd’hui rue Visconti). Du 1er juin 1826 au 3 février 1828 en association avec le prote André Barbier, il publiera environ cent cinquante ouvrages d’intérêt et de succès divers, ce qui provoquera sa ruine.
On retrouvera plus d’une de ces enseignes (Le Boeuf à la Mode, le Petit Matelot) dans la Comédie Humaine et l’une d’entre elle « Le Chat-qui-pelote » servira de titre, en 1830, au premier volume des Scènes de la Vie privée.
En 1945, des éditeurs publient à nouveau ce texte en l’agrémentant d’illustrations d’artistes de l’époque qui s’inspirent du texte pour imaginer les enseignes.
Le Dictionnaire commence par des considérations sur l’Enseigne comme les Physiologies le faisaient à l’époque. » Les marchands de nouveautés ont la plus ample part; cela tient à ce qu’ils ont l’habitude de sacrifier plus que les autres à l’extérieur, afin de fixer l’attention des passants…Plusieurs corps d’état n’ont point d’enseignes, ou bien en ont une qui est leur commune à tous; parmi ceux-ci, on remarque les notaires…Les dentistes ont aussi une enseigne banale. C’est une énorme dent fouchue, qui représente aussi bien un réchaud de cassolette qu’une dent molaire….Les compagnies d’assurance ont également les mêmes signes pour tous leurs clients…Les débitants de papier timbré sont, de tous les individus exerçant une profession sujette au public, ceux qui font le moins de frais d’annonces…Messieurs les huissiers ne s’annonçant aussi que par une seule inscription. C’est un avertissement de douleur pour ceux contre lesquels ils ont agi….Une chose digne de remarque, par exemple, sont les moyens mis en usage par les bureaux de loteries pour attirer le public. Non contents d’indiquer les meilleurs numéros, des jeux certains, ils poussent la précaution jsuqu’à se placer de manière à ce qu’ils puissent offrir au joueur timide un moyen d’entrer secrètement dans leurs bureaux…. »
Et Balzac au hasard de ses pérégrinations parisiennes s’amusent de ses découvertes et nous les narre de sa plume alerte. Pour découvrir son texte prenons la première et la dernière enseigne décrite dans cet ouvrage.
ABSALON (A). M.Lacroix, perruquier-coiffeur, rue Basse-Porte-Saint-Denis, n°8. – C’est une chose convenue, qu’en fait de poésie, il n’y a que les coiffeurs, et nous n’hésitons pas à dire qu’en fait de vers, M.Lacroix a mis le sceau à la réputation du corps. Le quatrain placé au bas de son tableau d’Absalon en offre la preuve : Passants, contemplez la douleur/D’Absalon pendu par la nuque;/Il euût évité ce malheur/S’il eût porté perruque. Quelle verve, quelle originalité, quelle moralité, quelle vérité! quelle !!! Faire des vers et friser des cheveux, c’est toujours un travail de tête.
BALANCE (A la). – Voici enfin la dernière enseigne de cet opuscule, c’est celle que nous avons choisie. Notre enseigne présente un axe dans un équilibre parfait, et deux plateaux exactement parallèles; ils n’offrent aucune inclinaison, tous les deux sont également suspendus. lls indiquent que la plus grande impartialité a présidé à notre travail; c’est à nos lecteurs à en juger; et nous nous abandonnons avec d’autant plus de de confiance à son investigation, que le ciel nous est témoin ! que nous ne sommes soumis à aucune influence. Hélas ! tout le monde pourrait-il en dire autant ? Que d’enseignes ne servent que de prétexte pour attirer l’attention publique, et combien de maisons de confiance et d’enseignes sous l’invocation de la bonne foi ne sont qu’un appât pour la crédulité ! Nous avons lu : Figaro, sur une petite feuille plus méchante que maligne; Mentor, sur un feuilleton qui n’était pas toujours sage; Nouveauté, sur le titre d’une éphéméride qui racontait parfois de vieilles chroniques; Corsaire, sur un journal qui certes ne prend pas toujours son butin aux rives du Permesse; Médiateur, sur la couverture d’un recueil qui ne peut être considéré comme s’occupant de concilier tous les partis; Opinion, en tête des vastes colonnes d’un journal qui ne partage pas l’opinion de la multitude; Pandore , sur le titre d’archives où le bien et le mal ne sont pas enregistrés en proportions égales, et enfin Courrier des Théâtres, entre les jambes d’un cheval qui ne ressemble pas à Pégase. Maintenant, lecteurs, laissez-vous prendre à l’enseigne Mais que vont dire de nous ces immortelles puissances , Gare aux Coups de lancettes et aux malins alinéas du Butin, de la Boîte, de l’Echo, des Macédoines et des Mozaïques ! De bonne foi, c’est en tremblant que nous les citons, et, si quelque chose nous rassure, c’est que les jorunalistes n’ont pas besoin de lire les livres pour les annoncer. D’ailleurs, un in-32 fi donc ! les deux exemplaires d’usage valent-ils les honneurs d’une insertion de deux lignes, quand on a tous les jours abondance de matières ? … »
Ce petit dictionnaire critique et anecdotique des enseignes de Paris est une introduction imaginée et pittoresque de cet ancien Paris où Balzac aime flâner et qui sera le théâtre de sa Comédie Humaine.
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(BALZAC (Honoré de)). Petit dictionnaire critique et anecdotique des enseignes de Paris par un batteur de pavé. Paris, La nouvelle société d’édition, 1945. Un volume in-4 (35 cm x 16,5 cm), 7-93 pp.
42 Illustrations de : G.Arnoux, H.Baille, S.Baudoin, Bernard, Beuville, L.Boucher, J.Boullaire, Bourg, Brunelleschi, P.Caplen, A.Collot, J.-P.Delhumeau, Ch.-A.Edelmann, Eny, A.Foy, France Chadar, P.Fromentier, Chr. Genty, Grau-Sala, A.Hellé, Hautot, J.Hémard, Lavalley, Maès, V.Mare, H.Monier, Nelpac, N.Noël, P.Noël, Philip, J.Pichard, Poulbot, Cl.A.Ramey, Randelys, Roubille, P.Roy, Sauvayre, Serge, J.Touchet, G.Tolmer, A.Vallée, Van de Beuque.
Un des 42 exemplaires numérotés sur Pur fil Marais contenant un dessin original d’une enseigne. Dans notre exemplaire, A la belle Jardinière, dessin en couleurs (daté 1944) de Noël Noël.
En feuilles sous couverture rempliée, emboîtage et étui.
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