Aujourd’hui nous sortons de notre champ de compétence. Nous abandonnons la thématique parisienne pour un ouvrage édité à la fin du XVIe siècle au titre singulier : Le qvatriesme des bigarrvres dv seigneur des accords.
Nous sommes donc en terra incognita mais nous allons tenter l’exploration de ce petit opuscule. L’auteur sera rapidement trouvé, il s’agit d’Etienne Tabourot sieur des Accords dit Tabourot des Accords (1547-1590). Il est le fils de Guillaume Tabourot, seigneur de la Tour de Saint Apollinaire, avocat à la cour, conseiller du roi, maître extraordinaire à la chambre des comptes de Dijon. Elevé au collège de Bourgogne à Paris, il publie à dix-sept ans son premier recueil, La Coupe et La Marmite recueil d’anagrammes, échos, rebus, etc…Son ouvrage le plus connu est, Les Bigarrures et les Touches du seigneur des Accords dont la première impression date de 1582 ou 1583 et qui sera réédité jusqu’en 1662. Avocat au Parlement de Bourgogne, il fut procureur du roi à Dijon au baillage et à la chancellerie de Dijon.
Désormais nous avons l’auteur, le titre de l’ouvrage et bien entendu l’éditeur et l’année de parution portés sur la page de titre. Les pièces du puzzle commencent à s’assembler. Pour parfaire l’ensemble, il reste à consulter le « Brunet ». Les bibliophiles connaissent cette somme, Manuel du libraire et de l’amateur de livres, assemblée par Jean-Charles Brunet.
Ce formidable ouvrage permet toutes les recherches mais les travaux bibliographiques ultérieurs les complètent aussi parfois. Alors résumons, la première Bigarrures paraît en 1582 mais plus sûrement en 1583 chez Jean Richer en deux éditions successives. Une nouvelle édition toujours chez Jean Richer paraît en 1585, elle contient les Bigarrures 1er et 4e livre. Il n’existe ni de 2e ni de 3e livres des Bigarrures mais seulement un 4e livre imprimé pour la première fois à Paris chez Jean Richer en 1585. L’auteur y a joint ce qu’il a intitulé les Apophtegmes du sieur Gaulard. Cette 2e partie a été réimprimée séparément à Paris en 1586, 1588…et aussi à Lyon chez Benoist Rigaud en 1592 et 1606. En 1595, les libraires Claude de Mont’roeil et Jean Richer publient les quatre titres les plus emblématiques de l’auteur, les bigarrures du Seigneur des Accords, le quatrième livre des bigarrures, les Apophtegmes du Sr Gaulard, Les Escraignes Dijonnoises. Les Bigarrures connurent le succès et furent maintes fois rééditées jusqu’à la fin du XVIIe siècle.
Notre exemplaire est donc issue de la production des deux libraires associés Claude de Monstr’œil et Jean Richer qui publie un auteur à succès, Etienne Tabourot, ciseleur d’acrostiches, d’anagrammes de rebus ou de pièces d’une gaieté rabelaisienne qui tout en s’amusant raille aussi l’exploitation des pauvres par les nobles décadents et relève les abus des marchands, précepteurs et usuriers, signe d’un souci de justice sociale peu exprimé à l’époque.
Les 4eme bigarrures contient les parties suivantes : I. Quelques traits utiles pour l’institution des enfants (Dédié à honneste & vertueuse Damoiselle Charlotte Noblet, femme de Monsieur le Président de Montculot), II. Du changement de surnom (Dédié à François Mareschal, secrétaire de la chambre du roy & Eslieu des Estats pour sa Majesté en Bourgogne), III. Particulières observations sur les vers françois (Dédié à honneste & vertueuse Demoiselle Didière Tabourot, veuve de feu Monsieur Deschigey, Conseiller au Parlement de Dijon), IV. Des faux sorciers, & de leurs impostures (Dédié à Pontus de Tyard, Seigneur de Bissi, évêque de Chaalons).
Le chapitre I sur l’institution des enfants propose des méthodes pédagogiques actives, présentant l’acte d’écrire comme apprentissage à la lecture, plaçant la connaissance de l’histoire dans le cadre de la géographie, développant la personnalité de chaque élève par la concurrence…On relèvera une liste alphabétique de lieux communs à recueillir (d’Abstinence à Yvrognerie et Yeux), démontrant à la fois la méthode d’invention de Tabourot et les centres d’intérêt de sa pédagogie.
Le chapitre II sur les changements de nom propres, mêle la satire sociale à une réflexion de juriste confiant dans le droit romain pour faire cesser les abus et les ridicules qui s’étalent à la faveur d’un droit coutumier par trop accommodant.
Le Chapitre III insiste sur l’importance de considérations, parfois absconses, sur la versification française, qui constituent un jalon dans le processus d’une normalisation de l’alternance des rimes et dans le traitement de l’e muet ; il suggère de lire « une coloration autobiographique plutôt incongrue » dans ce chapitre bigarré de Vaudevilles à sa Gadrouillette et à son Angélique, et de deux douzaines de sonnets commis par Tabourot lui-même, qui les critique à titre d’exemples, tantôt mal-aimables, tantôt doctes et gentils.
Le chapitre IV, sur l’imposture des sorciers, dévoile, les ruses des imposteurs qui exploitent la superstition du populaire. A la base de ce rationalisme on découvre non seulement le diagnostic médical de mélancolie, et aussi la méfiance élitiste à l’égard d’une culture populaire essentiellement orale, mais surtout le pressentiment d’un sociologue qui examine un processus culturel d’imprégnation.
Maintenant quelques lignes sur les éditeurs selon les éléments fournis par la base de la BNF.
Claude de Monstr’œil (1551-1604), fils d’un maréchal ferrant de Vaudompier près de Beauvais dit âgé de 13 ans lors de son entrée en apprentissage chez le libraire relieur parisien Jean Syonneau le 10 mais 1564. Réfugié à Blois et à Tours à la suite de la Cour pendant les troubles de la Ligue. De 1591 à 1598 à Blois, Tours et Paris, travaille en association avec Jean Richer.
Jean Richer ouvre une dynastie de libraire avec ses fils Jean et Etienne qui fondèrent en 1611 le Mercure françois, la première revue française connue de parution annuelle au format in-octavo.
L’ouvrage contient aussi un ex-libris armorié (D’azur à un chevron d’or accompagné de deux étoiles d’argent, d’un coq en chef et d’une ancre en pointe) au nom de M.Lugol. Il pourrait s’agir de Victor-Eugène-Marcel Lugol (1899-1976), contrôleur général de la Marine ce qui peut expliquer l’ancre de marine et les deux étoiles, mais ce n’est qu’une hypothèse.
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TABOUROT (Etienne). Le qvatriesme des bigarrvres dv seignevr des accords. Paris, Claude de Montroeil & Iean Richer, 1595. Un volume in-16 (14 cm x 8 cm), 6 (Adresse au lecteur)-50 feuillets.
Un portrait gravé d’Etienne Tabourot à 35 ans.
Un ex-libris (M.Lugol)
Plein vélin de réemploi à bords repliés .
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