Les dessins d’Albert Dubout sont reconnaissables au premier coup d’œil. Ses personnages burlesques et caricaturaux sur fond de couleurs vives et de foules mouvementées, provoquent le sourire. C’est le cas pour les deux ouvrages que nous allons vous présenter.
Les embarras de Paris traversent les siècles. Si les rues de Paris connaissaient déjà les encombrements au XVIIe siècle, la circulation reste toujours aléatoire au XXIe. C’est en vers que Nicolas Boileau-Despréaux campe le décor
« …Six chevaux attelé à ce fardeau pesant/Ont peine à l’émouvoir sur le pavé glissant/D’un carrosse en tournant il accroche une roue,/Et du choc le renverse en un grand tas de boue :
Quand un autre à l’instant s’efforçant de passer, /Dans le même embarras se vient embrasser. : Vingt carrosses bientôt arrivant à la file, / Y sont en moins de rien suivis de plus de mille,
Et, pour surcroît de maux, un sort malencontreux/conduit en cet endroit un grand troupeau de bœufs. /Chacun prétend passer ; l’un mugit, l’autre jure ; / Des mulets en sonnant augmentent le murmure.
Aussitôt cent chevaux dans la foule appelés,/ De l’embarras qui croît ferment les défilés, / Et partout, des passans enchaînant les brigades, /Au milieu de la paix font voir les barricades… »
Cet extrait de la satire n°6 de Boileau-Despréaux donne l’idée du chaos régnant dans les rues de Paris à certaines périodes de la journée. Nicolas Boileau dit Boileau-Despréaux (1636-1711) est un poète, traducteur et polémiste. Proche de Molière et de Racine, c’est une figure du monde des lettres de son temps. Il commence par étudier le droit, puis débute des études de théologie à la Sorbonne qu’il abandonne pour rejoindre le barreau en 1656.A partir de 1657, il décide de se consacrer entièrement à la littérature.
Il commence par écrire des Satires inspirées de l’Antiquité où il attaque ses contemporains qui seront publiées pour les sept premières d’entre elles en 1666. Le succès sera considérable et provoquera le courroux des auteurs attaqués. Moquant sans ménagement ses contemporains, ses œuvres furent parfois interdites de publication comme la douzième satire sur l’Equivoque. Au XVIIe siècle, il sera un des principaux théoriciens de l’esthétique classique en littérature. Paru en 1674, son Art poétique est une présentation de la doctrine classique élaborée dans la première moitié du XVIIe siècle.
Les mots de l’auteur du XVIIe siècle, s’habillent des dessins d’un illustrateur du XXe, Albert Dubout, qui par son trait caricatural renforce le propos.
Albert Dubout (1905-1976) a illustré plus de quatre-vingt ouvrages, créé des affiches de cinéma et de publicité et aussi des décors. Il est un des artistes les plus influents de sa génération de dessinateurs et d’illustrateurs. Ses dessins satiriques font le délice des amateurs. Au début des années 20, il étudie à l’Ecole des Beaux-Arts de Montpelier avant de s’installer à Paris en 1924. Il commence par publier ses croquis dans les journaux et ce sera le début d’une collaboration avec la presse pendant près de cinquante ans. En 1929, il rencontre Philippe Soupault, alors directeur littéraire des Editions Kra qui lui suggère d’illustrer des livres. Chez Kra, paraîtront ses quatre premiers ouvrages illustrés (Boileau avec les Embarras de Paris, Beaumarchais avec Le Barbier de Séville, Mérimée avec Carmen, Rabelais avec Gargantua). Les Embarras de Paris sera le premier ouvrage de cette série. Son crayon illustra aussi de nombreux auteurs comme Villon, Cervantès, Balzac, Racine, Voltaire, Rostand, Courteline….et aussi Frédéric Dard avec les San Antonio. Proche de Marcel Pagnol, il conçoit en 1936 la première affiche de César. En 1948, Marcel Pagnol lui confiera l’illustration de la première Trilogie Marius Fanny César. Il s’essaiera au cinéma d’animation mais le succès ne sera pas au rendez-vous. Un musée lui est consacré à Palavas les flots.
Dans la Rue sans loi dont le décor peut être celui d’une rue de la Capitale, Pierre Devaux dans une langue empruntée à l’argot, narre le quotidien des habitants et leurs invraisemblables aventures « Charmantes gisquettes, mignonett blondins, bougnats ou pommadins, notaires maigrichus, rentiers gras-du-bid, enfants de la balle, fistons-pères, barbousiers au piège à deux branches en robe de bal, bignoles revêches, crémières déliciousses, fiancées au minois ravissoire, arrière-grand’vioques qui réchauffez vos nougats en cosses de melon à l’âtre bienfaisant, souris ravageuses, lapins de couloirs, soles meunières, meuniers-Tudor, généraux des douanes, champignonniers, turfistes, tous, jeunots et viocards, esgourdez la merveilleuse histoire de la Rue Sans Loi… »
Pierre Devaux (1901-1966), écrivain, auteur dramatique, journaliste, a été reporter sportif au Canard enchaîné et créateur d’une rubrique « argot » dans le Crapouillot.
Et comme pour les Embarras de Paris, Dubout dans La rue sans loi, renforce de son trait humoristique, le propos de l’auteur.
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BOILEAU-DESPREAUX (Nicolas). Les embarras de Paris. Paris, Kra, 1919. Un volume in-8 (22,5 cm x 16 cm), 21 pp.
Illustrations en couleurs de Dubout, coloriées au pochoir. Une vignette de couverture, un frontispice, six compositions à double page, quatre compositions dans le texte
Un des mille exemplaires numéroté sur vélin de Rives.
Broché sous couverture illustrée d’une vignette en couleurs.
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DEVAUX (Pierre). La rue sans loi. Monte-Carlo, Editions du Livre, 1944. Un volume in-4 (32,5 cm x 23,5 cm), 72 pp.
Exemplaire sur grand vélin filigrané B.F.K.de Rives.
Illustrations de DUBOUT. 32 dessins à pleine page dont 3 en couleurs.
Broché sous couverture rempliée illustrée d’une vignette.
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