J’aime la flâne, rêveuse promenade parisienne où chaque nom de rue est une émotion. Les plaques émaillées bleues sont ma boussole, chaque nom des rues est une effervescence. Il est le cristallisateur sur lequel toute l’histoire de France se concentre. Il permet de vivre la beauté présente et de s’émouvoir de l’histoire ancienne. Je remonte le temps et la Seine, les rues et les souvenirs. Flâner à Paris n’est ni perdre son temps ni s’ennuyer. Il y a toujours quelque chose à voir, il y a toujours quelque chose à penser. Les balades ne déçoivent jamais. Il n’y a pas une promenade parisienne sans une merveilleuse découverte. Où que notre regard porte, l’Histoire est présente… Paris est une quête, une quête sans fin…
Depuis que j’ai découvert Les rues de Paris de Lurine, avant chacune de mes sorties, je lis la description du quartier dans lequel je vais déambuler. Initialement, je croyais que c’était un dictionnaire ; ce sont des promenades historiques : quel bonheur ! Elles enchantent mon vagabondage, elles nourrissent mon imaginaire, elles consolident mes connaissances. Elles me rajeunissent de cent cinquante ans car elles décrivent le Paris d’avant Haussmann, un Paris de transition, un Paris entre celui d’avant la Révolution Française et celui d’après 1860. Elles font revivre les rues des époques antérieurs et décrivent leur temps présent ; pour eux, c’était le présent, pour nous, c’est le Paris du XIXème.
Les historiens n’ont pas besoin d’être des rois pour exécuter des fouilles aussi riches, aussi variées, aussi prodigieuses que celles d’Herculanum et Pompéi ; ils marchent sur les ruines, les yeux et l’esprit fixés sur le livre d’Histoire et soudain, en faisant voler autour d’eux, avec la barbe de leur plume, la poussière qui cache les hommes et les choses du temps passé, ils ressuscitent des royaumes, des villes, des palais qui se remettent à s’agiter et à vivre, par la grâce de l’imagination et de la science. (rue et quartier de la monnaie, madame Elisa Latour de Warrens)
Dans son introduction, Louis Lurine dit explicitement que les rues présentées sont un concentré de l’histoire de France.
C’est là, une belle histoire, l’histoire de France tout entière racontée par les rues de Paris. Histoire du peuple et de la bourgeoisie, histoire…[ ] dix-huit siècles vont me répondre pour ressusciter avec nous la grande ville de César, de Philippe-Auguste, de Francois 1er, de Louis XIV et de Napoléon 1er ! (Lurine, introduction)
Nous revivons toutes les époques et tous les régimes :
La place du Carrousel est le trait d’Union qui soude le Louvre aux Tuileries, la monarchie absolue au gouvernement constitutionnel. Sur cette place, l’Europe entière a passé, sur ces pavées on peut lire en lettre de sang toute l’histoire politique de la France depuis Louis XIV. (place du Carrousel, Marquis de Montereau)
Pas un pavé que je foule qui n’ait déjà été foulé par un aïeul. Et qu’y-a-t-il sous mes pieds, une ruine romaine ? un cep de vigne ? un cimetière ? Le recueil nous l’apprend. Cinquante-cinq promenades nous sont contées. Parce que ce sont des contes que ses promenades. Ces textes « rédigé par l’élite de la littérature contemporaine » comme le précise la page de titre est un recueil où les plus grandes plumes du milieu du XIX° rivalisent de curiosité et d’érudition. Chacun de ces virtuoses, vagabondant dans leurs rues préférées, nous font découvrir son histoire, ses trésors. Certains existent encore, d’autres non ! Qu’importe, nous les imaginons si bien ! Et si l’imagination nous fait défaut, plusieurs centaines de dessins, tous exécutés par les artistes les plus distingués nous font revivre les personnages les plus picaresques et les lieux les plus insolites.
On nous raconte l’histoire d’une rue, d’un numéro, d’une personne, les textes s’étendent sur une histoire légendaire ou un fait historique, rappellent une anecdote burlesque ou relatent un événement dramatique. Il n’y a pas un lieu à Paris qui soit intellectuellement malhonnête. Tous ont quelque chose à dire. Ces textes nous le prouvent. Je retiendrais Napoléon évoquant la place Vendôme à M. d’Angerville (rue de la paix par Emile Marco de Saint-Hilaire)
- Mon général, lui dit-il, votre place est superbe mais il lui faudrait un centre et un peuple. Telle qu’elle est à présent, ce n’est qu’une belle femme sans âme.
- Le règne des statues est passé, repartit M. d’Angerville et je ne vois pas trop ce qu’on pourrait mettre là.
- Une colonne comme celle de Trajan à Rome, reprit Napoléon ou bien un sarcophage immense destiné à contenir les cendres des grands capitaines de la République.
On sait ce que Napoléon choisit.
J’hume Paris : chaque arrondissement à son humeur, chaque quartier ses odeurs, chaque rue son arôme ! Il y a autant d’atmosphère qu’il existe de quartiers. Quelques exemples :
La rue de la Harpe a une odeur d’école qui n’a point encore vieillie. (Rue de la Harpe, Roger de Beauvoir)
Il y a quelques trente ou quarante ans, cette rue commençait par une danseuse et finissait par un cardinal ? un cothurne blanc et un chapeau rouge, tels étaient les deux pôles de cette rue qui, entre ses deux trottoirs, résume encore aujourd’hui toute la civilisation parisienne (rue de la Chaussée d’Antin, Amédée Achard)
La rue commence par un épicier et finit par un marchand de vins. (rue des Blancs Manteaux, Carle Hennès)
La fascinante histoire des rues : cinquante-cinq promenades que je conseille de déguster, une par soir comme un bon vin ; vin aux multiples cépages, vins aux multiples saveurs. Chaque quartier a son caractère, chaque écrivain à son style ; chaque rue a son charme, chaque prosateur à sa vision. Et, entre les lignes, leur humour scintille comme le soleil sur les pavés de Paris.
Olivier de Sesmaisons
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LURINE (Louis). (Sous la direction de). Les rues de Paris. Paris ancien et moderne. Origines, Histoire, Monuments, Costumes, Moeurs, Chroniques et traditions. Paris, G.Kugelman, 1844. Deux volumes grand in-8 (27 cm x 17,5 cm), 399-417 pp.
300 dessins.
Pleine percaline décorée de l’éditeur aux armes de la ville de Paris. Quelques rousseurs.
Vendu.
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LURINE (Louis). (Sous la direction de). Les rues de Paris. Paris ancien et moderne. Origines, Histoire, Monuments, Costumes, Moeurs, Chroniques et Traditions. Paris, Kugelmann, 1843-1844, 4 volumes in-8 (23 cm x 14,5 cm), 204-206-411-396 pp.
Gravures de ou d’après Gavarni, Daumier, Nanteuil…
1/2 reliure légèrement passée et frottée, basane, dos à 5 nerfs. Rousseurs éparses.
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