Depuis le début de l’année, nous consacrons nos pages de blog à des écrivains qui ont écrit sur des sujets parisiens et nous allons poursuivre cette thématique pendant quelques jours encore.
En choisissant de centrer nos achats sur des livres évoquant la capitale et dans les domaines les plus variés, nous avons l’opportunité de traverser les époques, de découvrir des auteurs et d’aborder de multiples sujets comme vous avez pu le découvrir au cours des mois passés.
Avant d’ouvrir Divagations sur Saint-Sulpice, j’ignorais que François Mauriac avait écrit sur ce quartier parisien. Il restait dans ma mémoire le romancier des noirceurs provinciales et le rédacteur à la plume acérée du bloc-notes de l’Express puis du Figaro mais ce quartier était celui de sa jeunesse quand venu de Bordeaux, il résidait dans un foyer d’étudiants (104 rue de Vaugirard) tenu par des frères maristes qu’il présentait comme « une balzacienne maison Vauquer ».
François Mauriac (1885-1970). Après des études de lettres à la faculté de Bordeaux, il quitte sa ville natale pour tenter le concours de l’Ecole des chartes qu’il réussit mais il démissionne en 1909 pour se consacrer exclusivement à la littérature.
Son premier recueil de vers, Les Mains jointes parait en 1909 suivi d’un autre recueil Adieu à l’adolescence (1911) et de deux romans : L’Enfant chargé de chaînes (1913) et La Robe prétexte (1914). Après la guerre, il publie Le Baiser au lépreux (1922), Le Fleuve de feu (1923), Génitrix (1923), Le Désert de l’amour (1925), Thérèse Desqueyroux (1927), Le Noeud de vipères (1932), Le Mystère Frontenac (1933). Ces romans sont des satires cruelles du pharisianisme bourgeois.
Au milieu des années 30, Mauriac délaisse la littérature pour s’engager dans le combat politique. A rebours des positions de sa jeunesse, il dénonce la menace fasciste, condamne l’intervention italienne en Ethiopie et le bombardement de Guernica. François Mauriac est élu à l’Académie française le 1er juin 1933.
Sous l’Occupation, il participe au premier numéro des Lettres françaises clandestines en 1942 et publie, sous le pseudonyme de Forez, Le Cahier noir.
Après la guerre, Mauriac devient un écrivain politique, chroniqueur au Figaro et à l’Express, il livre d’une plume acérée ses commentaires sur les hommes et les événements. Il reçoit en 1952 le prix Nobel de littérature.
Après avoir soutenu la politique de Pierre Mendès-France, il devient dans les dix dernières années de sa vie un fervent soutien du général de Gaulle.
» Saint-Sulpice n’a pas de frontières. Le boulevard Saint-Germain, la rue de Rennes, le Luxembourg, l’Odéon, ne le limitent que dans l’espace. Saint-Sulpice n’est qu’à peine un royaume de ce monde. Il appartient à l’univers invisible. Plus que d’aucun autre lieu de la terre, il faut dire de lui qu’il est un état de l’âme….Débarquant à Saint-Sulpice, un jeune catholique retrouve dans de pieuses pensions de famille, cette odeur de haricots et d’encens qui dénonce, en France, l’enseignement congrégationiste…Il admire, sur une seule place, cette concentration formidable des statues peintes, dont une seule peut susciter tant de prières….Marchands sulpiciens qui, sur vos devantures, osez inscrire cette annonce candide : STATUES EN PLATRE, STUC, CARTON ROMAIN COMPRIME, nous ne saurions vous accuser de tromper sur la marchandise, ni le ciel , ni les hommes…Admirons la puissance de ces bonnes familles qui auront fait s’agenouiller des générations de chrétiens devant une laideur qu’aucun autre culte n’a connue…Cette apparence nougat-pâte d’amande-savon, que les marchands imposent à l’Etre Infini, éloigne-t-elle de Lui plus d’âmes qu’elle n’en approche ? Ces confiseurs de Dieu ne sont pas arrivés à tuer Lourdes. C’est le plus grand miracle de ce lieu fertile en prodiges, où le génie de Saint-Sulpice se déchaîne, atteint à une sorte de grandeur atroce… »
Après cette condamnation sans appel des bondieuseries sulpiciennes qui à ma connaissance ont disparu de l’endroit, François Mauriac rappelle le souvenir de trois siècles de catholicisme gallican et des ecclésiastiques dont la mémoire flotte encore sur les lieux. Il s’attarde sur la vie d’Henri Perreyve, proche de Lacordaire, qui sera un des représentants du catholicisme libéral. François Mauriac évoque aussi les maisons d’édition du quartier ainsi que Blaise Pascal et termine son ouvrage par ces quelques lignes : » Il est vrai que ce quartier Saint-Sulpice où campent les phalanges polychromes, où l’énorme église, des entrailles de ses cryptes jusqu’au sommet de ses tours disparates, vit une intense vie mystique, où, sous des couvertures bleutées, tant d’ouvrages s’éditent pour l’édification des âmes, ce lieu béni n’en est pas moins battu des flots les plus troubles… »
Dans ce court opuscule, nous retrouvons toute l’inspiration catholique de Mauriac qui imprégnera la première partie de son oeuvre et sa vision délicatement ironique à l’égard de ses contemporains.
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MAURIAC (François). Divagations sur Saint-Sulpice. N°IX de la Collection des 49 Ronins du quai Malaquais. Paris, Champion, 1928. Un volume in-8 (20 cm x 15 cm), 41 pp.
Un des quarante neuf exemplaires numérotés sur vieux japon impérial numérotés et signés par François Mauriac.
Broché sous couverture rempliée. Ouvrage en partie non coupé.
Bel exemplaire.
Vendu.
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