En matière de roman d’anticipation, le nom de Jules Verne vient spontanément à l’esprit mais on oublie souvent l’étonnant Antoine Robida avec son vingtième siècle (1883) foisonnant d’inventivité. Nous avons déjà évoqué cet auteur dans son travail historique avec Paris de siècle en siècle. Le coeur de Paris. Alfred Franklin dans son roman, Les ruines de Paris en 4075 (Willem-Daffis, 1875), a aussi anticipé le futur de la capitale. Puis en remontant encore le temps nous retrouvons Louis Sébastien Mercier que nous avons déjà croisé avec Tableau de Paris dans une passionnante uchronie, plus centrée sur le développement social que le développement technique de la société future, l’an deux mille quatre cent quarante.
Dans cet ouvrage, l’auteur axe son propos sur la société. A la veille de la Révolution, l’oeuvre inspirée des Lumières est un brûlot contre le pouvoir royal et les inégalités sociales. Elle propose un gouvernement plus juste et une plus grande équité dans la distribution des richesses.
Accablé par les vicissitudes du temps, le narrateur après une discussion avec un Anglais qui lui pointe toutes les défauts de la société française en 1770 (Nous sommes alors sous le règne de Louis XV), s’endort et se réveille en 2440 dans une France de rêve où les abus ont disparu, les lumières, la justice règnent désormais. Dans un Paris transformé pour le rendre conforme à ses désirs, l’auteur va découvrir que l’humanité tout entière est guidée par la raison.
L’ouvrage de Mercier est aussi réaliste, le dernier chapitre montre le roi Louis XIV en pleurs sur les ruines de Versailles, se lamentant » Que les monuments de l’orgueil sont fragiles ! » c’est à ce moment qu’une des couleuvres piqua le narrateur au cou et il se réveilla.
Mercier pensait son uchronie comme une anticipation réalisable c’est à ce titre qu’il se vantera d’avoir annoncé la Révolution française. Mercier fait de la ville un espace social liant la liberté au travail et de facto le poussant à sacrifier la liberté individuelle au bonheur collectif du Paris de 2240 où les femmes sont cantonnées aux plaisirs domestiques.
Le pouvoir prit le rêve du philosophe pour un pamphlet contre l’ordre social existant et l’ouvrage fut défendu ce qui explique les éditions mentionnant Londres comme lieu de parution. Il s’agit probablement de lieux fictifs pour échapper à la destruction du livre. Le succès de l’ouvrage dont la première édition date 1771 fut important et il fut abondamment traduit en italien, allemand et anglais. Ce texte a connu trois versions (1771, 1786 et 1799), la nôtre appartient à la première avec toutefois un aménagement. En effet l’auteur a refondu le Chapitre de la Bibliothèque du Roi. L’avis des Editeurs (pages 375 à 383) qui est suivi de la première version du Chapitre refondu de la Bibliothèque du Roi a été inséré en début d’ouvrage.
Il nous reste à imaginer ce que sera notre société dans sept cents ans. L’ère numérique nous offre des possibilités infinies….
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MERCIER(L.-S). L’an deux mille quatre cent quarante. Rêve s’il n’en fut jamais. Nouvelle édition, Revue & corrigée par l’Auteur qui a jugé à propos de refondre le Chapitre de la Bibliothèque du Roi. Londres, 1776. Un volume in-8 ( 20,5 cm x 13 cm), VIII-383 pp.
Plein veau marbré, dos à cinq nerfs, caissons décorés, tranches rouges.
Vendu .
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