MAC ORLAN (Pierre). Illustrations de Gustave ASSIRE. Images secrètes de Paris.

 

Pierre Mac Orlan a peint les bas fonds parisiens comme personne. Le monde interlope des marlous et des filles, la nuit dans les quartiers chauds, c’est cet univers que l’on retrouve dans Images secrètes de Paris.

Il nous offre un tableau des prostitués, des virées nocturnes dans les maisons closes, des bals mal famés et le panorama des lieux qui s’animent la nuit. Le Paris canaille de Mac Orlan se dévoile souvent aux marges de la capitale mais il y aussi quelques exceptions et le contraste entre le monde ordinaire et le monde louche n’en est que plus étonnant.

De la Villette, à Grenelle, en passant par l’Ecole militaire, Les Buttes Chaumont, Ménilmontant, Les cabarets des Halles, Saint-Georges-Notre-Dame-de-Lorette, Le Moulin Rouge, Les Fortifs, Le Bois de Boulogne, Le lapin Agile, La rue de Lappe…la nuit se dévoile et sa faune apparaît à la lumière.

Pour chaque espace, nous avons reproduit quelques phrases de l’auteur exprimant l’atmosphère du lieu.

Bar de La Villette :  » Il y a bien des bars et des taudis où les femmes attendent ces extraordinaires messieurs de la Villette qui furent chantés par Bruant. Mais les toucheurs de boeufs n’imposent plus leur élégance à la pègre, et la pègre s’efforce de passer inaperçue… »

Grenelle :  » Ce n’est pas tant les Chinois, et les Russes, anciens djiguites, aujourd’hui laveurs d’autos, qui donnent à ce quartier, égayé à quatre heures du soir par des rondes enfantines, son caractère inquiétant. La présence des Kabyles, anciens tirailleurs à jambes maigres et à bouc poussiéreux, suffit à remplir cette tâche. Ils se promènent par bandes de grands garçons désoeuvrés, errent devant les cinémas, et consomment des alcools variés dont ils écoutent en eux-mêmes les réactions surprenantes… »

Ecole militaire :  » La vie enclose des femmes de maison est un peu celle des fonctionnaires qui font leur tour de France, de poste en poste, dans des villes réduits pour eux au même dénominateur, et, naturellement, avec des indemnités de déplacement. Elles s’installent dans la  » taule » qui les fait vivre. Ici, on ne demande guère de  » spécialités. Ces jeunes femmes y vivent d’une vie saine extrêmement peu cérébrale…. »

Les Buttes Chaumont :  » Si l’on accède aux Buttes Chaumont par quelques petites rues voisines, mais parfaitement dissimulées, des Boulevards extérieurs, on pénètre dans une sorte de  » quartier réservé », tel l’ancien Ryt-Dik d’Anvers, et qui rappelle les rues du quartier de l’Hôtel de Ville à Marseille. Il n’y manque, pour orner, c’est-à-dire pour parer d’une émotion littéraire les tristes filles qui l’habitent, que l’appel enroué des sirènes, la cloche des départs et les paroles étrangères des matelots débarqués… »

Ménilmontant :  » Les boulevards extérieurs sont, aujourd’hui, habités bourgeoisement et, depuis la fin de la guerre, la classique silhouette de la pierreuse a disparu du coin des rues. les petits bars et cafés où se réunissait la pègre des deux sexes ont transporté leur matériel et leur clientèle de casque d’Or et de souteneurs au delà des fortifications, dans ce no man »s land encore mal connu où, sous les défroques d’un commerce parfaitement légal, toute une société aux lois arbitraires s’exerce à la malfaisance… »

Les cabarets des Halles :  » C’est ici la foire de la nourriture, de l’empoigne, de la soûlerie et des tristes combinaisons. Il arrive parfois, que dans la lumière livide de l’aube une belle fille sôule, venue de Montmartre ou simplement d’une maison de tolérance, n’hésite pas à se donner en spectacle… »

Saint-Georges-Notre-Dame-de-Lorette :  » C’est le quartier le plus célèbre de Paris, celui qui figure en bonne place dans tous les guides qui s’imposent de faire connaître aux étrangers les arcanes de la galanterie parisienne… »

Le Moulin Rouge : « Au moment même où le ciel de Paris, dans un embrasement tragique, annonçai la guerre, le Moulin Rouge flamba la nuit….Le Moulin Rouge, en quelque sorte le Panthéon de nos gloires les plus discutables mais à coup sûr les plus populaires dans le monde, s’écroulait en entraînant dans ses cendres le souvenir de la Goulue, de Valentin le Désossé, de Grille d’Egout, c’est-à-dire, comme il est facile de s’en rendre compte par cette nomenclature, les derniers témoins d’une fantaisie vulgaire et attristante… »

Un défilé :  » Les plus célèbres sont les défilés du bal des Quat’Z’Arts. Dès la chute du jour, avant même que la nuit n’ait fait gronder ses grandes orgues et siffler les trains internationaux, de petites bandes de jeunes gens sortent des bouches du métro…. »

Les fortifs : Marlous et gigolettes, étendus sur l’herbe, rêvaient en plein bien-être en suivant la fumée des cigarettes qui semblait se mêler aux fumées d’usine de la banlieue. On s’y rendait par bandes en chantant et l’on en revenait toujours en chantant. La réputation des fortifications n’était pas militaire, mais malgré cela elle était dangereuse, la nuit particulièrement. Ceux qui y fréquentaient appartenaient tous au même milieu, qui ne s’appelait pas encore le Milieu… »

Le Bois de Boulogne :  » Il ne faut pas exagérer les scandales du Bois de Boulogne et les gestes de la curieuse population nocturne de satyres et de nymphes frelatées. Les uns et les autres n’offrent rien de bien mystérieux si ce n’est dans l’imagination survoltée de ceux qui méditent trop longuement ces sortes d’aventures… »

Le lapin Agile :  » Le samedi les commerçants du quartier pouvaient à peu près impunément coudoyer des petits marlous et, comme on disait leurs  » petites gonzesses ». Ces jeunes gens, qui habitaient autour de la place du tertre, étaient, d’ailleurs, leurs clients… »

Le bal de l’Olympia :  » On observe au bal de l’Olympia des types de « professionnelles » souvent curieux. Un soir nous y rencontrâmes une blonde et belle unijambiste accompagnée d’un athlétique matelot de la marine militaire. Mais sur la plupart des jolies visages des femmes qui fréquentent ce dancing , comme dans les autres, fréquentés par les filles, la mort a déjà posé ses touches délicates… »

Bal-musette rue des Anglais :  » Dans ce quartier de Paris qui s’étend non loin de ce qui fut la Place de Grève et le quartier des Ecoles, un petit bal-musette peut vivre sa vie modeste et cachée à la condition que le snobisme ne s’en mêle point… »

Bal-musette rue de Lappe :  » Les accordéonistes de ces bals sont parfois très habiles. Des snobs viennent leur demander des renseignements; En ce moment, un homme du monde peut connaître, en jouant de l’accordéon, un succès provisoire mais éblouissant. Mais voilà, les hommes du monde n’ont pas appris à jouer de l’accordéon quand ils étaient jeunes et à trente-cinq ans il est décevant d’apprendre les subtilités de cet instrument. Il faut décourager ceux qui désirent apprendre à jouer de l’accordéon…. »

Jazz-band :  » Pour beaucoup , l’apparition du jazz-band dans nos moeurs fut le synonyme d’une catastrophe. Ces débuts firent hurler d’horreur les dévots de la musique et toute la critique fut unanime à déclarer que cette cacophonie barbare ne pourrait jamais s’imposer à des oreilles de civilisés. Il est inutile de revenir plus longuement sur ces sottes criailleries… »

Rue de Hanovre ou… :  » La plupart des clients qui fréquentent ces maisons de tolérance, en vérité assez luxueuses mais dénuées d’imprévu, en un mot d’aventure, sont des hommes qui viennent y chercher une sorte de repos, un repos qui s’adapte aux exigences d’une activité dont la flamme brûle trop vite… »

Le choix :  » La manoeuvre du  » choix » n’est pas toujours facile; la sous-maîtresse fait ici figure de chien de quartier dans une caserne ou de capitaine d’armes sur un navire de guerre. Elle commande; Une feuille de papier à la main, elle donne les tours de garde et fixe à chacune son poste, selon les spécialités… »

La java :  » La java met aux yeux de qui la danse une sorte de tendresse; C’est peut-être un don très spontané de soi-même. L’accordéon est l’instrument qui interprète le mieux cette danse populaire.. »

La belotte :  » La belotte est née dans les petits bars de la rue Lepic; ce fut un jeu d’attente, en marge des exigences du « tapin » qui menait les filles des boulevards et de la rue, le long en large, dans une promenade sans fin, par-ci par là désespérée… »

Notre exemplaire rassemble de belles qualités bibliophiliques, une reliure décorée de Kieffer à la parfaite exécution et en très bel état, un texte de Mac Orlan,  un exemplaire en tirage de tête – un des 50 exemplaires sur japon – des illustrations de Gustave Assire avec trois états des eaux-fortes, une aquarelle inédite et relié avec une suite monochrome des aquarelles inédites d’Assire tirées à cinquante exemplaires.

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MAC ORLAN (Pierre). Images secrètes de Paris. Paris, René Kieffer, sd (1928). Un volume in-4 en format oblong (22,5 cm x 28 cm),  84 pp de texte.

Vingt eaux-fortes par Assire tirées en bistre avec remarques (ou en bleu-vert)

Un des 50 exemplaires numérotés sur Japon avec trois états des eaux-fortes et une aquarelle inédite d’Assire. Relié en fin d’ouvrage une suite monochrome des aquarelles inédites d’Assire tirée à cinquante exemplaires.

Un état de la 11e planche a été remplacé par une autre figure.

Plein maroquin avec un important décor sur les plats représentant un plan stylisé de Paris avec la Seine et les lieux évoqués dans l’ouvrage positionnés par des vignettes dorées. Dos décoré, titre doré, tête dorée, triples filets intérieurs. Couverture conservée, reliure signée René Kieffer. Etui.

Bel exemplaire de cet ouvrage du Paris interlope du début du XXe siècle et agréablement mis en valeur par la reliure de Kieffer.

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