DELVAU (Alfred). Dictionnaire de la langue verte. Argots parisiens comparés.

 

claisse 2langue verte 6Ecrivain prolixe, curieux des mots, Alfred Delvau a publié deux dictionnaires, dictionnaire érotique (1864) et dictionnaire de la langue verte (1866) qui sont devenus aujourd’hui des raretés notamment parce que la police et la justice de l’époque s’y intéressèrent de près. Le dictionnaire érotique fut condamné à la destruction par le tribunal de la Seine. La police des mœurs était sourcilleuse encore plus vis-à-vis d’un auteur dont la liberté de pensée et les convictions politiques étaient connues…

Le dictionnaire érotique est un régal de créativité linguistique tout comme le dictionnaire de la langue verte, argots parisiens comparés où l’on découvre la richesse de ce langage parallèle.

Vicaire dans (III-157) évoque cet ouvrage : « Le dictionnaire de la langue verte devait primitivement être publié par J.Gay et fils mais d’après une note insérée à la fin de la liste de leurs publications «  les menaces de poursuites faites à ce moment aux éditeurs J.Gay et fils furent si vives qu’ils furent obligés de céder cette publication à Dentu lequel n’avait rien à craindre. A l’apparition du livre, M.Loredan Larchey, auteur des Excentricités de langage accusa Delvau de plagiat, l’affaire fut alors portée devant la Société des gens de lettres qui régla le différent. V.La Petite Revue des 20 et 27 janvier 1866 pp.137-155 et 169-177 et la brochure suivante publiée par M.Lorédan Larchey. Note sur le procès en diffamation intentée par M.Delvau à M.Larchey Note sur le procès en contrefaçon intenté par M.Larchey à MM.Delvau et Dentu. Paris, imprimerie Auguste Vallée ; 15, rue Bredu, 1866, in-4 de 51 pp ».

Rimbaud a-t-il consulté ces deux dictionnaires ? Nul ne le sait. Ce poète, avait une connaissance spontanée des mots et le génie de les assembler, alors les dictionnaires semblent superflus… Mais certains de ses lecteurs cherchent à comprendre le sens de ses vers en se plongeant dans l’environnement de l’artiste pour trouver les influences qui auraient pu l’inspirer à l’époque. Ainsi depuis des années les interprétations fleurissent. Sont-elles exactes ou flattent-elles simplement ceux qui les imaginent ? La vérité reste difficile à cerner.

langue verte 12Quoiqu’il en soit le Dictionnaire de la langue verte procure un réel plaisir de lecture. On découvre une langue devenue quasi  inconnue, pratiquée dans les milieux populaires parisiens au XIXe siècle et dont Delvau assure la conservation talentueuse. Dans son introduction à l’ouvrage, il présente son travail : « Moi qui, Beni-Mouffetard et d’une famille où l’on est faubourien de père en fils depuis cinq ou six générations, ai tant de fois déambulé par les compites et les quadrivies de l’urbs que l’on vocite Lutèce, j’ai cueilli sur leur tige et ramassé sur leur fumier natal tous les mots de mon dictionnaire, tous les termes bizarres, toutes les expressions pittoresques qui s’y trouvent accumulées : il n’en est pas une seule que je n’aie entendue de mes oreilles, cent fois au moins, dans la rue Saint-Antoine ou dans rue Neuve-Bréda, dans un atelier de peintres ou dans un atelier d’ouvriers, dans les brasseries littéraires ou dans les cabarets populaciers, ici ou là, même ailleurs ou beaucoup de délicats n’osent pas aller de peur de s’y crotter l’oreille et de s’y salir l’esprit, et où je n’ai pas craint d’aller, moi, par ce que nous avons ,nous autres moralistes, le double privilège de la salamandre et de l’hermine, et que nous pouvons traverser toutes les flammes sans en être roussis, toutes les fanges sans en être souillés « .

Dans son dictionnaire, Delvau mélange l’argot des gredins et des honnêtes gens et accueille même des mots retenus par l’Académie. Il donne aussi lorsque c’est possible leur étymologie, leur origine, leur millésime. Pour qui aime les mots la lecture de cet ouvrage ressemble à une chasse aux trésors.

Et maintenant quelques définitions…

langue verte 11langue verte 10Abadie, s.f. Foule, – dans l’argot des voleurs, qui l’appellent ainsi, avec mépris, parce qu’ils ont remarqué qu’elle se compose de badauds, de gens qui ouvrent les yeux, la bouche et les oreilles d’une façon démesurée.

Anglais, s.m. Créancier, – dans l’argot des filles et des bohêmes, pour qui tout homme à qui l’on doit est un ennemi. Le mot est du XVIe siècle, très-évidemment, puisqu’il se trouve dans Marot; mais, très-évidemment aussi, il a fait le plongeon dans l’oubli pendant près de trois cents ans, puisqu’il ne paraît être en usage à Paris que depuis une trentaine d’année.

Entrer aux Quinze-Vingts, Dormir, – dans l’argot des faubouriens, qui ont cette facétie à leur disposition chaque fois qu’ils éprouvent le besoin de fermer les yeux.

Parisien, s.m. Homme déluré, inventif, loustic, – dans l’argot des troupiers

Parisien, s.m. Niais, novice, – dans l’argot des marins.

Parisien, s.m. Vieux cheval invendable. – dans l’argot des maquignons.

Sarrasin, s.m. Ouvrier qui consent à travailler au-dessous du tarif, – dans l’argot des typographes. On dit aussi Faux frère.

Zut au..ber…ger ! Exclamation de l’argot des gamins, par laquelle ils se défient à courir, à jouer, etc.

langue verte 4Pour achever cette présentation, nous trouvons la trace d’un des propriétaires de cet ouvrage qui l’a probablement acheté au moment de sa sortie. En tout cas les dates concordent.

En effet, notre exemplaire du Dictionnaire de la langue verte,  contient un intéressant ex-libris signé E.Valton 1880. Edmond Valton (1836-1910), dessinateur, illustrateur, peintre est un des fondateurs du salon des indépendants en 1884.

Cet ex-libris a été gravé pour A.Hénin Maître orfèvre installé à la fin du XIXe siècle, rue des Archives à Paris. Il représente une fenêtre ouverte sur le battant de laquelle sont gravées les lettres A.H. et au dessous une table avec des livres ouverts ou fermés et une feuille de papier sur laquelle on lit :  » J’ai lu Manuel des ouvriers »

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langue verte 1langue verte 2DELVAU (Alfred). Dictionnaire de la langue verte.  Argots parisiens comparés. Paris, E.Dentu, 1866. Un volume in-12 (18 cm x 12 cm), XVI-406 pp.

Texte sur deux colonnes.

langue verte 3Un des cent exemplaires numérotés sur Hollande d’un tirage total de 600 exemplaires.

Un ex libris signé E.Valton. 1880. (cf supra)

Reliure cartonnée, un peu poussiéreuse.  Plats encadrés de filets dorés. Dos orné de filets dorés. Titre doré. Tête dorée. Une charnière légèrement fendue.

Bon exemplaire de ce rare tirage de cette édition recherchée.

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Delvau Marpon Flammarion dictionnaire d ela langue verteDELVAU (Alfred). Dictionnaire de la langue verte. Nouvelle édition. Conforme à la dernière revue par l’Auteur augmentée d’un supplément par Gustave Fustier. Paris, Marpon & E.Flammarion, sd. Un volume in-8 (19,5 cm x 14,5 cm), XXII-594 pp.

Texte sur deux colonnes.

½ reliure. Dos à 5 nerfs.

Vendu.

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