Carnet de route d’un combattant de la Première guerre mondiale. VI.

Les batailles terrestres de 1917 ont été préparées pour briser les lignes ennemies mais elles ne sont pas décisives ni au plan stratégique ni au plan tactique. C’est le cas notamment sur les Monts de Champagne où le caporal Robert Gruaz raconte la vie des tranchées.

1er juillet : Dans la matinée petit marmitage du P.C pas de casse. Vers 4h un avion survole nos lignes à moins de 40 mètres et malgré une vive fusillade, il s’éloigne sans être atteint. A  5h nous apercevons un Boche sortant d’un tank où déjà depuis plusieurs jours un guetteur devait être installé car nous étions à chaque instant salué par des balles. Notre Commandant Mr de Sampigny, le descend d’une balle et le corps reste étendu jusqu’à la nuit, un de moins. 4 juillet : Une gigantesque préparation d’artillerie s’exécute du côté du Chemins des Dames. 15 h Guyemer atterrit vers le camp. Il a été atteint par 2 balles dans son réservoir à eau. Nous allons voir son appareil  » Vieux Charles ». Je remarque un canon de 37 juste au milieu de l’hélice. 12 juillet : Toujours le beau temps et repos. Un groupe de journalistes des grands quotidiens de Paris vient visiter le Régiment. Quelles âneries vont-ils pondre encore sur nous. Ce matin est partie pour Paris sous le commandement du capitaine Maire, la délégation du Régiment pour le 14 juillet; J’aurais aimé à en faire partie mais hélas les places étaient courues et il y a eu peu d’élus.

La nouba des Tirailleurs défile le 14 juillet à Paris

14 juillet : Hier soir à la suite d’une discussion le Sergent Fourier Jelevaux a tué d’un coup de revolver l’adjudant chef Kern. triste événement. l’enterrement a eu lieu ce matin et une nombreuse assistance est venue pour protester contre l’acte de ce lâche assassin. 16 juillet : Ce jour Jelevaux qui avait tué l’adjudant Kern est trouvé ce matin dans la prison. Il s’est ouvert une artère avec un rasoir qu’un ami sans doute lui a complaisamment fait passer. C’est la conclusion la meilleure que nous pouvions espérer. 18 juillet : A 5h du soir le Théâtre aux armées donne une représentation. Gentil succès. Le général Gouraud assiste à la soirée. Il parle avec quelques hommes rien que des légionnaires avec des bananes et laisse de côté un peu trop visiblement l’élément volontaire, enfin nous savons bien nous, si lui l’ignore, qui a gagné les 5 citations du Régiment.

Robert Gruaz. Photo prise pendant sa permission parisienne. 21-22 juillet 1917.

29 juillet : C’est demain que les Suisses partiront en permission de 48 heures à l’occasion de leur fête nationale. En attendant pour nous faire les pieds dès 6h du soir à 10h nous passons une ligne pour la manoeuvre de demain. Dans le courant de l’après-midi le  » Journal » du 31 Juillet 1917 match de Football entre la Légion et le 130eme. Naturellement la Légion gagne 5 à 1. 31 juillet : A 16h30 arrivent les autobus qui nous emmènent (les Suisses) à Chavanges que nous quittons par le train de 8h30. Vitry le François 10h et Châlon sur Marne  à 11h35. Nous arrivons à Torcy gare de triage à 4h du matin et à 6h à Paris; A la sortie de la Gare de l’Est attendait le Comité Suisse pour recevoir les permissionnaires. Demain banquet peut être avec la présence du Ministre de la Guerre.

4 août : Les officiers du Régiment se rendent à Ramirerupt pour être présentés au Général Pétain. 12 août : Nous débarquons à minuit 30 à 500 mètres de Souhesses la Grande (15 kil.de Verdun). Naturellement nous sommes logés dans des écuries infectes malgré 3 ans de guerre. Nos roulantes n’arrivent que demain aussi on saute à la corde pour la soupe et pourtant nous n’avons touché qu’un morceau de viande gros comme une noix pour tout le voyage. 14 août : Hier soir les Allemands nous ont descendu une saucisse par contre nous leur avons abattu 2 aéros. Ce matin les allemands ont lancé des gaz sur les artilleurs du 81ème…L’attaque est fixée pour le 17. Dans la soirée le temps s’éclaircit un peu aussi notre artillerie en profite et met les bouchées doubles.

17 août : Les avions allemands se montrent aujourd’hui très en verve et par groupes nombreux survolent notre coin. Nos  » As » se tiennent cois et cela me surprend après leur performances des jours passés. Vers midi les Allemands bombardent avec du gros calibre le camp d’aviation. Résultats 5 grands hangars incendiés une vingtaine d’avions hors service. Avec des camarades je vais voir les dégâts causés par ce bombardement. Pendant notre visite deux avions (1 monoplace et 1 triplace) manquant leur atterrissage se brisent sur le sol. Les pilotes sont saufs. Pour clore cette série à la noire, 4 saucisses française sont descendues par les boches. D’après les dires des poilus du camp cette journée coûte la bagatelle de 1.5000.000 francs. 18 août : Nous quittons Souhesmes la Grande à 71/4 du soir et arrivons aux Bois Bourrus à 11h. Tous les bois sont bondés de batteries de 150 et de 220 qui tirent sans arrêt. le bruit de la canonnade est effroyable. L’endroit où nous devons rester jusqu’à demain soir marque l’avance extrême allemande au moment de la journée de 1916. 19 août : A 7h du soir nous montons en 1ère ligne. Dans l’après-midi nous avions touché 4 jours de vivres de réserve et les munitions aussi nous sommes chargés comme des ânes.

Les tranchées le 20 août août 1917.
La Côte 265 le 20 août 1917

Un granatverfer allemand en action, photo prise sur un allemand. 20 août 1917.

20 août : A 4h30 on procède au lancement de brouillard artificiel afin de masquer notre sortie. 4h40 notre artillerie allonge son tir et notre 2ème Bataillon sort en tête. La résistance est nulle car nous sommes dans les premières lignes boches avant que ceux-ci se soient aperçus que notre attaque était déclenchée. …Notre artillerie fait rage et celle des Allemands est à moitié de ce qu’elle était au début de l’attaque.

A 10h, un avion de chez nous est descendu par un boche après un combat de quelques secondes. A 11h 2eme bond pour attaquer la tranchées des Chardons pas plus de mal pour la prendre. Les troupes que nous avons devant nous viennent de Galicie et sont composées en majeure partie de Berlinois. Depuis 3 jours, ils n’étaient plus ravitaillés et ils sont vraiment déprimés.

Carte de la Région de notre attaque du 20 août 1917.

De plus ils ont eu beaucoup à souffrir de nos gaz. A 4h le 3ème Bataillon s’empare de la côte 265 en 17 minutes. 200 prisonniers viennent s’ajouter à la liste. Un avion boche est descendu par une de nos mitrailleuses à la 6ème balle. Les 2 pilotes ne sont pas blessés malgré la descente rapide et l’atterrissage qui fut brutal. Notre Colonel est en 1ère ligne comme un simple poilu, il a été légèrement blessé au bras plusieurs officiers de E.M forcés de le suivre font une assez triste bouillotte.

21 août : Dès le jour contre attaque des Allemands sur notre 2ème Compagnie. Ils sont reçus de belle façon et laissent 70 prisonniers et plus de 200 morts sur le terrain. 22 août : A 8h notre 2ème Bataillon enlève Regneville et s’empare de 8 canons de 77 en bon état. A notre gauche le 4ème Tirailleurs nettoie le tunnel du Kronprintz 500 prisonniers dont 1 Colonel et 2 Commandants et 3 infirmières allemands. 23 août  :Vers 6h du matin une escadrille de 19 avions allemands survolent nos lignes, les nôtres comme d’habitude brillent par leur absence. Hier dans la nuit les Allemands avec leurs avions ont bombardé l’hôpital de Vadelincourt mettent le feu à plusieurs baraquements. De plus descendus très bas, ils ont mitraillé les infirmiers qui sauvaient les blessés. Nombreuses victimes.

Les insignes pris sur un prisonnier allemand.

25 août : Hier notre 11eme Compagnie cueille avec une de ses patrouilles 3 boches devant Forges; Ils appartiennent au 223ème. Je prend à l’un d’eux une de ses pattes d’épaule et un bout de ruban de sa croix de fer. Ce 223 est arrivée depuis 3 jours de Galicie et les hommes paraissent regretter leur ancien secteur.

2 septembre : Nous nous installons à La Neuville les Vaucouleurs, le pays est très chic et les habitants charmants c’est à qui nous donnera quelques bricoles pour notre popotes car nous sommes obligés de faire notre cuisine nos roulantes venant par la route ne seront ici que dans 2 jours 8 septembre : Nous arrivons au Camp du Bois l’Evêque situé sur une hauteur entourée de forêts. Nous sommes très bien isntallés barraques propres, paillasse, l’électricté, lavabos, etc.

L’avion qui a atterri à Bois l’Evêque le 11 septembre.

16 septembre : Avec Gallardo, nous passons la journée à Toul. Nous déjeunons à l’hôtel de Metz très bien et pas trop cher. Dans l’après midi Mr Merimon préfet de meurthe et Moselle remet à quelques familles des diplômes pour les militaires tués. Pendant cette cérémonie, un avion boche survole la ville notre artillerie est assez heureuse de l’abattre et il tombe près du cimetière. 17 septembre : En vue d’une visite du camp par le Général Gerard (commandant la 8ème armé) on procède à un nettoyage du camp. On nous fait faire des jardins et des pelouses. Bref on est embêté toute la journée.

Au camp de Bois l’évêque. 8 au 29 septembre.

Théâtre aux armées.

18 septembre : On continue les travaux de jardinage !! Le soir je vais jusqu’à Pierres la Trêche (5 kil) à la sortie du village dans une carrière travaillent une centaine de  » travaux Publics » ils ont vraiment vilaine allure avec leurs visières de képis larges de 7 cm au moins. 23 septembre : A 6h on commence les 3 jours de fête de la Division à l’occasion de l’anniversaire de la Champagne 1915. Drôle d’idée de fêter par des réjouissances une pareille boucherie. Dans l’après midi courses à pied, concours de grenadiers, rallye pour officiers, théâtre et cinéma le soir. Menus variés et copieux, bref la noce en règle !!!Mr Merimon préfet de Meurthe et Moselle assiste au Théâtre et fait distribuer des cigares. 24 septembre : Je passe la journée à Toul. Dans la cathédrale est installée la TSF et des postes de guetteur contre avions, il n’y a pas lieu de s’étonner si les Allemands tirent sur les Eglises si l’on procède partout comme ici. 25 septembre : Il y a deux ans, quelle tuerie s’exécutait en Champagne. Pour fêter une pareille journée le calme aurait été de rigueur et au contraire on donne cours à pied à chevaux etc…26 septembre : Aujourd’hui on apprend avec peine la mort de Guyemer quelle perte pour l’aviation française !!! 27 septembre : Cet après midi prise d’Armes par le Général Pétain qui remet la Croix de la Légion d’Honneur à notre drapeau ainsi qu’à plusieurs poilus.

2 octobre : Nous traversons Bernécourt où il y a encore quelques civils malgré qu’il ne soit qu’à 3 kil.des tranchées. Nos lignes sont à 800 ou 900 mètres de Flirey village complètement ruiné. 9 octobre : vers 2 h du matin une patrouille allemande réussit à pénéter dans notre tranchées du Golfe près d’une mitrailleuse. Chevalier est blessé d’une balle de revolver à la cuisine mais il étend d’un coup de mousqueton un grand diable de 2m de long les autres Boches se débinent en vitesse surtout que nos grenadiers leur font une conduite. Le Boche qui est resté sur le terrain appartient au 164ème et s’appelle Karl Bergmann il a à peine 18 ans. 12 octobre : La pluie retombe depuis cette nuit tous les parapets s’écroulent et les tranchées sont à moitié comblées. L’eau envahit les sapes et nous devons lutter avec des pompes contre ce déluge. 13 octobre : Les Allemands ne sont pas mieux logés que nous et nous les voyons eux aussi jeter par dessus les parapets l’eau qui envahit leurs tranchées. 18 octobre : Nous quittons les tranchées à 7h30 et passons Flirey et arrivons à 11h à Maneuville où nous devons passer notre période de repos.

Viaduc de la ligne Toul à Thiaucourt.
Pont à la sortie de Bernécourt (Ligne Toul à Thiaucourt)

Cinéma aux armées.

10 novembre : Toute la journée les crapouillot tirent sans arrêt sur les positions allemands; Les Boches répondent à peine. A 5h notre artillerie ouvre un barrage terrible de même les nouveaux canons de tranchées  » Stock » qui font un travail infernal. Nos poilus rentrent après 20 minutes d’excursion dans les lignes allemandes et ramènent 6 prisonniers dont 1 aspirant et 2 sous off. Ils évaluent à une centaine le nombre de cadavres allemands gisant dans les tranchées. Malheureusement nous avons 2 tués et 8 blessés. Les crapouilloteurs ont 2 tués et 3 blessés. C’est cher que d’obtenir des renseignements à ce prix. Ce sont des Wesphaliens que nous avons en face de nous et seraient ici en repos du  » Chemin des Dames ». 22-23 novembre : On sera relevé après demain soir pour aller à Domèvre pour 7 jours. 25 novembre : Nous arrivons à Domevre à 11h. Nous sommes cantonnés à la Mairie. et nous y sommes très bien. 29 novembre : Je vais à Toul pour acheter une couronne pour notre camarade Jordan. Vers 2h Trincard un ancien du 2ème Bataillon passé dans l’aviation il y a 3 mois vient au dessus de Manonville et exécute plusieurs loupings malheureusement au dernier son aile heurte une toiture et il s’écrase sur le sol, la mort est instantanée.

La Légion d’honneur a été conférée au drapeau du régiment de marche de la légion étrangère.

1er-5 décembre : En permission à Paris. Dans le journal du 4, j’apprends que les Boches ont attaqué à Flirey hier. Pourvu qu’en arrivant là bas je n’apprenne qu’il y ait eu trop de pertes parmi mes camarades. 11 décembre : Nous apprenons que sur la 42ème Division qui se trouve à notre droite. Les Allemands ont essayé de fraterniser. L’officier et les 2 soldats qui l’accompagnaient reçus à coups de mitrailleuses sont restés sur le carreau. Les Boches ont dû trouver une certaine différence avec le front russe. 14 décembre : Au petit jour un de nos petits postes capture un Caporal Allemand après avoir été obligé de le blesser car il ne voulait pas se rendre. Il appartient au 16ème d’infanterie et parait peu satisfait de son sort devant parait-il partir en permission dans quelques jours. Les Allemands nous envoient à l’aide de petites grenades des imprimés nous invitant à fraterniser et pour nous apprendre la conduite des Russes.

La guerre en Lorraine. Bernécourt.

19 décembre : Vers 1h du matin une patrouille boche est aperçue près de notre réseau vers la route d’Essey. Notre petit poste n°11 les accueille à coups de V.B. et disperse la dizaine d’hommes qui en faisaient partie. 2 Allemands blessés grièvement restent sur le terrain et sont ramenés dans nos lignes. Tous deux (21 et 25 ans) viennent du front russe. Par les lettres trouvées sur eux, la paix rapide paraît être le désir le plus cher de l’Allemagne. Ils prétendent n’avoir appris notre présence que par le lâche déserteur de l’autre jour. Après pansement les 2 Boches vont rejoindre à l’hôpital leur camarade pris le 14 Décembre. 22 décembre : On parle d’un coup de main qui se ferait dans une dizaine de jours. A Ménouville on arrête un espion Allemand habillé en bleu horizon. Quelle audace et aussi quelle mauvaise surveillance de notre côté. 25 décembre : Toujours le froid et la neige. 26 décembre : L’artillerie continue à arriver en grandes quantités.

 

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