Carnet de route d’un combattant de la Première guerre mondiale. V.

Nous sommes en 1917 et la guerre se poursuit dans des conditions épouvantables. Les premières mutineries apparaissent dans les rangs. On sent la lassitude dans les propos de Robert Gruaz encore plus quand la Légion est appelée pour mater les compagnies récalcitrantes.

1er janvier : La journée se passe en installations à cause de la nouvelle année, la Compagnie se fend et nous avons un menu copieux et soigné. 2 janvier : Notre commandant Mr de Sampigny donne 100 F à partager pour le P.E.M le soir repas pantagruélique. 4 janvier : Le capitaine Dubech qui remplace le Commandant parti en permission passe une revue des cantonnements. Comme par hasard, il trouve que l’on a rien fait. 16 janvier : Manoeuvre de division. Nous quittons Anchy à 5h du matin et rentrons à midi. Nous passons Francatel, Oursel, Maisons et Hardivillers. Il fait très froid. 22 kil environ. Ces manoeuvres sont toujours aussi intéressantes. Si les grands chefs qui les commandent les suivaient au lieu de rester tranquillement au coin de leur feu ils les trouveraient moins drôles et sûrement il y en aurait moins souvent.

Programme de la Soirée donnée le 18 janvier 1917 à Crévecoeur.

Programme de la Soirée donnée le 18 janvier 1917 à Crévecoeur.

18 janvier : A 2h nous allons assister à une matinée théâtrale qui est donnée dans le hangar à dirigeable de Crévecoeur. Nous nous sommes bien amusés. Dommage que les 9 kil aller et retour à faire dans la neige sont bien fatigants. 24 janvier : Le froid continue 13 degrés au dessous de zéro. Les Compagnies ont exercice. Un Caporal des grenadiers a les deux mains emportées par une grenade qui éclate prématurément. Le soir nous allons dîner à Luchy chez des paysans. Un avion français en panne atterrit entre Auchy et Francastel. Toue la journée nous entendons le canon et pourtant nous sommes à 40 kil du front. 29 janvier : Partis de Le Cardomois à 9h nous passons Mesnil St Georges, Montdidier, Piennes et arrivons à 1h à Remangis (19 kil). Les cantonnement sont infects cela ne nous empêche pas d’attendre 1h à l’entrée du pays pour être casé. Avec Cavadini je couche dans une cage à cochons. le froid continue terrible. Le pain et le vin sont gelés !!!

Les ruines de l’église de Grivillers en septembre 1915, mais au moment où nous y sommes c’est encore bien plus démoli.

1er février : A 11 1/2 nous partons de Remangis nous passons Fescamps, Bus et arrivons à Tilloloy (château) à 2h. Le secteur que nous occupons est le même que celui du 3ème de marche en Mai 1915, il n’a guère changé. Je retrouve mon ancienne cagna téléphonique mais elle a été à moitié effondrée par un obus. C’est assez tranquille au point de vue artillerie par contre à chaque instant il y a les gaz. Aussi la consigne à ce sujet est-elle très sévère. Mon abri est assez bien par contre on ne peut y faire du feu et par le froid qu’il fait ce n’est pas rigolo. Les tranchées sont toujours à peu près pareille par contre le cimetière s’est agrandi et compte maintenant une centaine de tombes. A mon premier séjour, il n’y en avait qu’une vingtaine. Innovation : Des bourriquots grand comme des terre neuves font le ravitaillement et des 1ères lignes et ils s’en acquittent à merveille mais il ne faut pas être pressé. 4 février  : Nuit assez tranquille mais particulièrement froide. Un incendie se déclare dans l’abri 23 impossible de le maîtriser chose étonnante les Boches qui voient parfaitement les lueurs du feu, ne tirent pas. A 10h du soir on nous annonce par le téléphone que l’Amérique a rompu les relations diplomatiques; Que cela va-t-il amener ? Enfin la nouvelle est accueillie favorablement dans les tranchées. 6 février : Nuit quelconque sauf à notre droite où le 33ème Colonial a quelques engagement de patrouilles. Vers 10h du matin le torpillage recommence mais sans causer de dégâts. Notre artillerie ne répondra pas la consigne est paraît-il d’encaisser !! Pourquoi ? Nous devrions être relevés demain soir et nous ne serons que dans la nuit du 8 au 9. Par le froid qu’il fait c’est gai de faire du rabiot. 9 février : Nous sommes arrivés à Grivillers à 1h1/2 le village est complètement détruit, nous couchons dans les caves. 11 février : Les Allemands bombardent Quivillers et la Sucrerie de La Boisnière. Un cheval est tué à la Sucrerie cela varie un peu l’ordinaire car les cuistots ne le laissent pas perdre.  15 février : Nos avions ont remarqué chez l’ennemi des préparatifs qui précèdent toujours les émissions de gaz. Aussi veille-t-on sérieusement. 22 février : Nous allons prendre des douches  à Faverolles (18 kil aller et retour) tout le trajet se fait sous une pluie battante. En rentrant j’apprends que je pars demain en permission.

Canon de 274 sur train blindé.
La pièce de droite vient de tirer.

9 mars : A 8h50 exercice de signalisation par appareils sonores à la sortie de Montreuil sur Brèche (13 kil aller et retour). Cet appareil ne paraît pas vouloir donner beaucoup de résultats. 10 mars : Repos vu le mauvais temps. Le soir une troupe du 18e Corps vient donner une représentation qui n’est pas mal du tout et de 9h à minuit nous nous amusons bien. 17 mars : Les Allemands ont paraît-il commencé leur fameux repli stratégique et nos troupes sont paraît-il à leur poursuite en conséquence nous partons demain. En attendant nous allons à Braches (3 kil de Sauvillers) pour laver notre linge car Sauvillers il n’y a pas d’eau. Nous aurions avancé de 7 kil dans la direction de Roye. 18 mars : Popincourt nous nous arrêtons dans les 1ères lignes françaises. Les Allemands reculent toujours. Roye et Libermont seraient pris. Nous ne savons pas quand nous serons engagés….Malheureusement on nous a pas réservé l’honneur de sortir les premiers dame il faut des troupes à la hauteur pour prendre des lignes que l’ennemi abandonne. 19 mars : 1 5h nous touchons 1 boite de sardine un peu de haricots et du café. Nous avons l’ordre d’être prêt à partir d’un instant à l’autre…On nous prévient que lorsque nous serons dans les anciennes lignes boches il ne faudra pas toucher à aucun objet beaucoup étant truqués et plusieurs soldats ont été tués ou blessés soir par des bouteilles des casques ou des outils qui lorsque l’on y touchait actionnait pour la plupart des grenades.

Deux villages traversés lors de notre marche du 26 mars 1917.

20 mars : Nous quittons Arnoncourt et franchissons enfin les 1ères lignes boches que notre artillerie a tellement retournées que l’on a du mal à les distinguer. Devant ce travail, je commence à comprendre leur repli stratégique. Nous passons la journée à déblayer la route de Roye à Avricrout de tous les beaux arbres sciés et jetés en travers pour retarder notre avance. De plus tous les carrefours des routes ont été éventrés par des ruines dans les entonnoirs desquels on pourrait mettre des maisons de 4 étages. De plus pour comble de destruction, ils ont scié également tous les arbres fruitiers et le pays est ruiné pour longtemps. Nous allons coucher à Margny. Quelques maisons sont encore habitables mais la plupart sont jetées bas ou incendiées, des routes sont également défoncées par des ruines et dès demain notre régiment va s’occuper à remettre en état pour permettre le passage des ravitaillements. Défense de boire l’eau des puits, ces derniers étant tous empoisonnés sauf un seul qui se trouve dans la maison occupée par 2 ou 3 civils que les Allemands n’ont pas assassinés. D’après les dires de ces civils les Allemands sont vraiment à court de nourriture et ils s’extasient devant de que nous mangeons à chaque repas. l’intendance militaire les ravitaille ainsi que tous ceux des villages environnants. Tout a été détruit et les objets de valeur emportés. A Margny ils ont également emmené 10 jeunes filles comme otages; 2 ou 3 d’ailleurs les ont suivi volontairement car elles n’avaient plus rien à leur refuser. C’est joli. 21 mars : Toujours à Margny on commence à enterrer les quelques cadavres allemands qui gisaient à droite et à gauche dans les champs. Margny comme presque tous les villages des environs possède un cimetière militaire où Français et Allemands reposent côte à côte avec des tombes vraiment bien. 24 mars : On arrête à Champier 2 civils français qui cachaient 4 Allemands dans une cave. Dans une autre cave on découvre des pigeons voyageurs. L’affaire des 2 français est claire et ils sont dirigés sur Roye par les soins des gendarmes. Les enfants de tous les villages parlent très bien Allemand et cela nous fait mal au coeur !! c’est vrai que depuis 3 ans, ils devaient désespérer de revoir les Français. 26 mars : L’ordre arrive de se tenir prêt à partir mais au lieu d’aller vers l’avant on va retourner en arrière. En passant à Avrillers nous voyons 2 vieux, mari et femme probablement piochant dans les ruines de ce qui fut leur maison à la recherche sans doute d’une cachette où ils avaient mis leur argent. Puisse St Antoine leur être secourable.

Téléphone en 1ère ligne.
Un sympathique collègue !!!

1er avril : Toute la nuit nous avons roulé sans arrêt. Nous n’avons pas dormi car nous sommes 42 dans le wagon, c’est pire qu’une boite de sardines. A 5h du matin nous passons à Limeil Brévannes et j’ai le plaisir d’apercevoir la tour Eiffel !! Ensuite nous prenons la grande ligne de l’Est. Allons nous en Alsace ou en Champagne ? A minuit nous débarquons à St Hilaire. Entre Sézane et la Fère champenoise comme d’ailleurs tout le long de la voie nous avons vu les nombreuses tombes des morts de la Marne. Sans exagérer tous les 100 mètres, il y en a une Française ou Allemand ce n’est plus un pays c’est une nécropole. Nous arrivons au Camp Berthelot à 5h où un bon café servi de suite nous réconforte un peu. 2 avril : Toujours au Camps. Repos. les Russes qui occupaient ce secteur ont été relevés, il y a quelques jours mais nous en voyons encore quelques uns à l’Hôpital Russe établi à Mourmelon. Ils ont perdu beaucoup de monde par ici, surtout par les gaz. La plus forte émission lancée il y a 6 mois en a couché 800, chiffre fantastique dû à leur faute car les masques pour eux n’ont pas d’utilité, ils les jettent et dans les boites ils mettent leur tabac. 9 avril : Nous quittons le Camp Berthelot à 7h du matin et nous arrivons au P.C du Bois Sacré à 10h30. De là nous montons en 1ère ligne. Les boyaux sont impraticables, ils sont tous éboulés et l’on voit que pendant leur séjour dans ce secteur les Russes n’ont guère travaillé. 11 avril : 2h du matin. Bonne nouvelle que nous communiquons immédiatement à la 1ère ligne où elle cause beaucoup de joie. Les Anglais ont fait 10000 prisonniers, pris 100 canons et avancés de 7 kil. 13 avril : De nombreux avions survolent les lignes. C’est demain que doit avoir lieu le grand bombardement on nous promet monts et merveilles et des tirs de destructions épatants on n’aura plus qu’à sortir à la bretelle. J’aimerais mieux voir le tir que toutes ces belles promesses.

Un des Allemands qui s’est rendu au Fortin de Vandenincourt.
L’Allemand que j’ai fait prisonnier. Un ruban trouvé dans son portefeuille et qui doit être une décoration saxonne.

14 avril : Dès le matin les Allemands envoient des grosses marmites dont pas mal tapent en plein boyau. Une trentaine d’Allemands sortent de leurs tranchées vers 2h. Veulent-t-ils se rendre ou tenter un coup dur. Dans le doute nos mitrailleuses résolvent la question en allongeant les Fritz…Je ne comprends rien à la préparation d’artillerie. 2h de tir assez soutenu et ensuite mutisme pendant autant de temps. C’est loin de valoir le bombardement de la Somme et mon impression est que celà va être encore mal préparé. Pourquoi d’abord les officiers d’artillerie ne sont-ils pas en 1ère ligne pour régler le tir ?..Ah si tous les capitaines d’artillerie étaient comme le capitaine Trémoille que nous avons eu la déveine de perdre dans la Somme. Les préparations seraient mieux faites et l’infanterie tomberait moins souvent sur des positions intactes malgré 4 ou 6 jours de bombardement. 15 avril : Dès le jour 3 avions allemands survolent nos lignes à faibles hauteur, ils ne reçoivent pas un coup de canon. Les artilleurs son sans doute en train d’observer dans leurs abris…Plus ça va, plus ça sent la pagaille, c’est loin d’avoir l’organisation de Juillet dernier…C’est le 17 que l’on doit attaquer et vraiment notre bombardement n’a rien de fantastique.

Le Bois en T d’où nous sommes montés e 17 avril. Les lignes blanches que l’on aperçoit dans le fond sont les tranchées allemandes.
Boyau du  » génie » du Bois en T au bois en Bouleaux. Ce boyau a été conduit sous le feu de l’artillerie.

17 avril : A 9h46 tout le monde sort. Ce que je pensais arrive et de nombreuses mitrailleuses se démasquent et fauchent la 1ère vague. Voilà l’avance l’arme à la bretelle !!. l’artillerie ennemie tire avec violence et nos pertes s’accentuent. Néanmoins on progresse tout de même et l’on arrive à sauter dans la 1ère ligne boche où nos nettoyeurs de tranchées ont vivement fait de régler la situation…Les Allemands se battent jusqu’à la mort et se font tuer sur place. Nous avançons ensuite à la grenade et à chaque détour de boyau un Allemand nous arrête jusqu’à ce qu’il soit tué. Beaucoup d’officiers sont tués…Le 4ème Tirailleur flanche une fois de plus et après être sorti rentre dans sa tranchée, obligé de les faire sortir à coups de revolvers et tant bien que mal ils arrivent dans les lignes allemandes. Ce retard a permis aux Allemands de nous prendre de flanc pendant toute la matinée. 18 avril : Au jour la progression reprend. Je suis à chaque instant dehors pour réparer les lignes. Le spectacle dans les boyaux est atroce. Légionnaires, Crapouilloteurs, Territoriaux, Boches sont en tas et chaque trou d’obus a 1 cadavre. Pourtant dès que l’on dépassé le bois Boubau, ce sont les cadavres allemands qui sont en plus grand nombre…Je marche en tête et tout d’un coup je me trouve nez à nez avec un Boche qui me regarde lui aussi avec autant de stupéfaction. Il n’a pas d’armes et comme nous en avons, il lève de suite les bras. Nous le fouillons il n’a rien que ses papiers, il me fait signe de garder sa montre et sa phot. Je voudrais bien savoir comment se fait-il qu’il est là libre depuis 2 jours que nous occupons ce terrain. Comment l’interroger aucun de nous parle allemand et nous nous concertons. Quand tout à coup l’Allemand dans un français impeccable nous dit qu’il s’est caché dès le 1er jour de l’attaque avec l’intention de se rendre à la 1ère occasion ce qu’il n’avait pas osé faire les nettoyeurs ayant balancé des grenades dans sa sape.

Les Tanks avant l’attaque (Champagne 1917)

19 avril : Deux Compagnies du 168eme montent pour nous soutenir car à l’aube on doit attaquer le fortin de Vandenincourt. le 1er Bataillon reste à l’effectif de 274 hommes et officiers le 3ème avec 250 hommes. Sans commentaires !!! Nous apprenons la mort de notre Colonel  » Qu’on le venge » dit le Commandant Deville qui commande provisoirement le régiment Et nos nombreux camarades tombés depuis le 17 !! Qui les vengera ? 20 avril : A 9h après un bref mais violent tir de notre artillerie nos grenadiers en 6 minutes reprennent le fortin et s’établissent même à 100 mètres devant. Cette fois nous le tenons bien et nous le lâcherons plus.  Aujourd’hui enfin arrive un repas chaud et surtout de l’eau on commençait à mourir de soif. Tous les morts sont presque enterrés et le spectacle est un peu moins horrible. 22 avril : Violente canonade toute la nuit. Au petit jour furieuse attaque des Allemands à l’aide des liquides enflammés malgré tout leur entêtement nous ne cédons pas un pouce de terrain mais nous avons encore pas mal de pertes à déplorer. 23 avril : Dès le petit jour nombreux avions ennemis et vives actions d’artillerie. On ne parle toujours pas de relève et pourtant voilà 14 jours que nous sommes en ligne dont 7 jours d’attaque. Nous ne tenons plus debout et nous sommes dans un état de saleté repoussant.

Poccancy (Marne) où nous sommes restés du 29 Avril au 21 Mai 1917.

29 avril : …Nous arrivons à Poccancy…Nous sommes très bien logés et chose appréciable pour des soldats, il y a une rivière au ras du village. On peut pêcher sans se gêner, c’est permis. 30 avril : Cette nuit plusieurs avions ont passé sur notre village et nous apprendrons qu’ils ont lancé 97 bombes sur Châlons. Une bombe est tombée en plein sur le bordel 6 femmes tués et une dizaine de troufions de blessés dont deux mourront des suites de leurs blessures. Cette histoire fait un bruit énorme car naturellement c’est après l’appel que l’accident est arrivé. Le Commandant du Dépôt Divisionnaire dont faisaient partie ces légionnaires voulait avertir les familles et indiquer à quel endroit ces militaires ont été tués ou blessés. Le général a trouvé que c »était aller un peu fort et a défendu de faire autrement que pour les autres décédés u feu.

1er mai : Depuis 3 jours il fait un temps superbe et nous faisons les lézards au soleil. Beaucoup de nos camarades travaillent aux champs avec les paysans. C’est toujours plus utile que l’exercice. 4 mai : Ce soir cinéma à Poccancy, nous nous amusons comme des gosses. 5 mai : Aujourd’hui surprise !! Je suis nommé caporal. Quel avancement rapide au bout de 3 ans. A ce train là il faut que je devienne centenaire pour arriver lieutenant !!! 7 mai : Nous passons la journée à installer un arc de triomphe à l’occasion du 9 mai 1915 en souvenir des braves camarades tombés glorieusement ce jour là. Bornes a pris un superbe lièvre, dépouillé il pèse 6 livres passées, nous aurons avec lui un appoint sérieux pour la croute.

L’arc de triomphe de Poccancy à la mémoire de nos camarades du 9 mai 1915.

L’avion du C.A. ayant à bord, une charmante artiste de l’Opéra, se prépare à atterrir près de Poccancy.

8 mai : Nous terminons l’arc de triomphe. Le soir à 9h soirée théâtrale par les artistes de la Comédie Française et les danseurs de l’Opéra. 9 mai : Aujourd’hui fête du Régiment. Le matin messe à Vouzy. L’après midi réunion sportive. Course  à pied, en sacs, à mulets, football etc…La Légion gagne le 400, le saut en hauteur et le match de football. Son équipe doit aller prochainement matcher une équipe de Paris. A la fin de la réunion un avion atterrit sur le terrain et une artiste de l’Opéra qui hier a chanté la Marseillaise descend de l’avion aux applaudissements des poilus enthousiasmés de sa crânerie et aussi de sa gentillesse. 14 mai : Par une note reçue ce jour et recommandant l’économie j’apprends le coût de chaque coup de canon il y a de quoi rester effaré devant ces chiffres et on comprendrait à moins que les chefs demandent que l’on ne fasse pas exécuter des tirs inutiles.

L’équipe des téléphonistes et celle des signaleurs (Souvenir de Poccancy mai 1917)

22 mai : Ce matin une quarantaine de prisonniers passent ici. A St Hilaire au Temple (3 kil) de notre village se trouve un camp où il y en a un millier qui ont été pris lors des dernières affaires. Pour la plupart ce sont des Polonais qui paraissent satisfaits de leur nouvelle situation. D’après leurs dires, le civil en Allemagne crève de faim, puissent-ils dire la vérité.  24 mai : Le matin exercice de signalisation. A 5h match de football avec l’équipe de l’A.L.L.G….Il sont battus par nous 11 à zéro. Une paille !! Guyemer rase le terrain avec son avion à 10 mètres de hauteur et nous cause une belle frousse. 25 mai : Avant hier un triplace allemand a été abattu par l’Adjudant Madon. Vers St Hilaire au Temple. 2 des passagers sont tués. Le 3ème blessé assez grièvement peut néanmoins causer. il parait d’après lui que le Maréchal Hindenbug serait sur le front dans nos parages et qu’à une revue qu’il a passé il aurait dit qu’il faudrait absolument reprendre la série de hauteur que nous leur avons enlevé depuis le 17 avril. De là sans doute la grande concentration de troupes dans le région et notre départ précipité de Poccancy. 28 mai : Un match de football devait avoir lieu aujourd’hui entre notre équipe championne de la Division marocaine et une équipe parisienne Grâce à la sportivité du Général Anthoine, la permission a été refusée sans doute dira-t-on que les circonstances du front ont empêché d’accorder cette faveur. Les circonstances n’empêchent pas nos grands chefs d’être en permission à l’heure actuelle. Et puis nous ne sommes que des engagés volontaires…C’est tout simplement une goujaterie à ajouter à tant d’autres.

Dans les bois de Dampierre au Temple.
Sur la porte de notre cantonnement de Dampierre au Temple.

30 mai : Aujourd’hui une dépêche du G.Q.G. nous annonce qu’en raison des événements de Paris !!! Les permissions pour cette ville sont interdite jusqu’à nouvel ordre. Quels événements peuvent donc engendrer pareille mesure, qui inutile de le dire cause une véritable effervescence parmi les poilus. Cette décision loin de calmer les esprits à l’intérieur ne fera surement que les exciter et créera sur le front un état d’esprit qui si la mesure n’est pas rapportée rapidement, pourra être pour les chefs uen amère désillusion. Supprimées pour tout le monde ou pour personne les Parisiens ne sont pas des batards je pense. Enfin attendons les événements, mais quoiqu’il arrive le malaise causé par cette nouvelle sera long à dissiper. Si les permissionnaires ne sont mêlés à ces groupes pendant les grèves est ce de notre faute , Que l’on sévisse contre eux mais que l’on ne prive pas des militaires de la joie de voir les leurs, pour la simple raison qu’ils habitent Paris. Sans celà pour les prochaines offensives s’il doit y en avoir d’autres, ces militaires pourraient bien répondre que l’on envoie des troupes des autres villes pour se faire casser la gueule. Assez la dessus car on finirait par dire des choses qui iraient trop loin. 31 mai : Depuis 3 jours pas de lettres de Paris. Cette absence de nouvelles avec l’interdiction de permission pour Paris indiquent sûrement qu’il se passe quelque chose là-bas et toutes les suppositions sont possibles. Mieux vaudrait dire la vérité que de cacher tout.

Mourmelon le Grand.
L’Hôpital Militaire du Camp de Châlons (près Mourmelon)

1er juin : Je reçois enfin des nouvelles de Paris tout ne s’y passe pas très tranquillement à cause des grèves et peut être n’ose-t-on pas écrire explicitement de peur que les lettres ne passent pas. 3 juin. A 2h arrive l’ordre d’alerte pour une Compagnie de chez nous et l’escadron du 3ème Dragons. Nous apprenons quelques temps après que ce n’est pas les Boches qui causent cette alerte, mais malheureusement le 221ème de ligne cantonné à Mourmelon. Beaucoup de poilus de cette unité auraient parait-il chanté l’Internationale dans les rues et on craindrait une mutinerie. Mauvais signe !!! et vilain travail pour ceux qui seront obligés de marcher. Mais peut être qu’ils n’auront pas à intervenir, c’est mon désir le plus cher. En attendant défense absolue de sortir des baraquements et de cette façon on ne sait absolument rien de ce qui se passe. 4 juin : A 1h arrive l’ordre d’alerte pour notre bataillon, le 221ème aurait encore fait des bêtises. Au petit jour nos Compagnies rentrent, le 221ème à tout de même relevé un bataillon du 164ème, mais cela n’a pas été sans mal. C’est vraiment malheureux d’être obligé de forcer un régiment à relever des pauvres copains en ligne depuis 21 jours et qui ont souffert terriblement. Chacun de nous aurait préféré j’en suis sûr de faire la relève nous mêmes, que de remplir le rôle de gendarmes. Et puis plus tard quelle réputation cela va encore nous faire. Enfin les gens sérieux ne donnent surement pas raison à des Français aussi peu conscients de leurs devoirs, et ne diront pas comme certains soldats français que la Légion pour le même prix tue du Boche ou du Français. Inutile de dire que ceux qui ont prononcé ces paroles n’ont pas été longs à les regretter en recevant chacun une magistrale correction.

Une marmite allemande explose sur la route d’Auberive à Mourmelon.

5 juin : Après le 221ème, c’est le 217ème qui fait des siennes et voilà encore nos pauvres camarades partis en patrouille pour arrêter tous les isolés de cette unité. Le 217ème, c’est la réserve du 17ème de fameuse réputation depuis les grèves de vignerons. Vraiment les troupes du Midi ont un moral bien déprimé et pourtant chez eux leurs familles sont à l’abri. Que devrait dire ceux de l’Est et du Nord. En tout cas c’est fort regrettable que notre régiment soit occupé à cette besogne. 6 juin : Depuis 4 jours nous n’avons pas eu de courrier. La poste de la Division se trouvant à une cinquantaine de kil.de nous. Que coûterait donc d’envoyer une auto postale pour nous l’apporter. Il y a de l’essence usée beaucoup plus mal à propos par un tas d’officiers qui ne se servent des autos que pour aller faire la bombe. Pour un régiment chargé de soutenir le moral chancelant des autres, on ne lui soigne guère le sien. N’est ce pas le courrier de chaque jour qui nous aide le plus à supporter cette longue guerre ? Au bout de 3 ans nos chefs n’ont guère appris à faire plaisir à peu de frais à leurs poilus. Le 3ème Dragons est parti ce matin en tenue de campagne complète pour Châlons où il y aurait paraît-il aussi de l’électricité dans l’air. Décidément ça va mal. Si les Boches savaient ça, ça leur ferait rudement plaisir. 7 juin : Le 217ème de ligne ne montera pas aux tranchées, il ira paraît-il au repos pour un mois. Je me doute du repos qui lui est réservé !!. En attendant ils sont toujours là et leur présence nous donne toujours du travail. Voilà 5 jours que nous sommes sans courrier, sans commentaires pour l’attention dont on entoure notre régiment. Du Côté du Chemin des Dames des incidents analogues à ceux d’ici ont dû se produire car le 8ème Zouaves parti lçà-bas comme nous ici, a dû passer en 1ère ligne, charmant si ce mouvement continu. Décidément les troupes française ne ont marre.

Quelques uns des canons pris aux allemands en Champagne 1917. Sur la 1ère photo ce sont ceux pris par la Division marocaine.

8 juin : Nous n’avons pas encore de courrier aujourd’hui déciement on se fiche de nous. Le 217ème paraît revenir en bon chemin, mais ils sont furieux après nous et nous traitent d’assassins, que cela serait-il si nous avions été obligés d’employer la force. Ce qui est embêtant ce sont les racontars qu’ils vont sûrement faire circuler à l’arrière pourtant ils auraient intérêt à faire le silence sur leur équipée, car ce n’est pas un honneur pour un régiment de se voir une autre unité aux trousses; C’est vrai que pour nous le rôle de gendarme ne nous rehausse pas, mais 5 citations à l’ordre de l’armée font oublier les quelques jours où nous avons dû faire les cognes.

L’avion allemand abattu le 9 juin.

9 juin : Par un gradé du 217ème (ancien caporal du 3ème de Marche) nous apprenons qu’au départ de St Menehould a commencé leur rébellion. Plusieurs gendarmes ont été houspillés set s’ils ont embarqué quand même dans le train pour venir ici ils étaient bien décidés à ne pas monter aux tranchées. Ils ont tenu parole. Chose plus grave les officiers de ce régiment sont parait-il de connivence avec eux. Le fait est que l’on attend encore d’eux une mesure quelconque pour rétablir la discipline…Sans se cacher ceux du 217ème disent que si on les avait obligés de monter en ligne, ils seraient passés aux Boches !!! Ce n’est pas un racontar cela m’a été dit à moi même et je note cette parole pas par calomnie mais pour qu’un témoignage puisse plus tard être mis en lumière si je viens à disparaître. Ces propos sont indignes d’un Français et pourtant je jure su ma vie qu’elles ont été dites devant moi.

 » Minenverfer » de 17 pris aux Allemands. Champagne 1917.
Quelques trophées près au  » Mont sans Nom » Champagne 1917.

Une pièce de 100 sur chaland, Canal de la Marne. Sillery Juin 1917.

11 juin : Le 221ème de ligne qui a été relevé des tranchées est enlevé en autobus. Ils nous traitent d’assassins et de pendus en passant ici. Rira bien qui rira le dernier. Autre nouvelle fort réjouissante, les permissions sont suspendus pour la Seine, Seine et Oise et Seine et Marne, décidément ces suppressions cachent bien des choses et l’on a bien peur que les poilus se rendent compte par eux même ce ce qui se passe. j’ai demandé une permission pour la Bretagne vu les circonstances peut être réussirai-je à voir les miens quand même. En tout cas il est malheureux d’être obligé de recourir à la ruse pour voir les siens. 24 juin : Le régiment pour monter en ligne a dû faire 4 jours de route à pied (90 kil.environ) heureusement qu’à la Chambre des Députés on a dit que les troupes sont transportés en autobus au dessus de 25 kil !!! 25 juin : J’ai enfin vu des tanks mais hélas ils sont devenus inoffensifs. Il y en a plus d’une vingtaine dans notre coin brûlés ou détruits par l’artillerie. 2 ou 3 sont dans nos tranchées, anciennes positions allemandes; Tout est bouleversé et dans un état déplorable. 27 juin : hier soir au ravitaillement il en est arrivé une bonne au Chef de la CMR. Il avait apporté du vin remboursable pour les poilus et comme malgré l’obscurité et les marmites, il exigeait que chaque escouade paye de suite presque tout le monde lui a filé des marks ou des pièces fausses. J’aurais voulu voir le nez qu’il a dû faire en faisant sa caisse.

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